Musique - Dave – Blue Eyed Soul (2013)

Figure inoxydable de la chanson française, trublion de la télévision, le hollandais Dave a un parcours aussi tortueux qu’atypique. En 2011, il nous gratifie même d’un album de reprises …. de ses propres standards, à sa manière.

C’est à 20 ans que le jeune “Dave” Levenbach quitte sa Hollande pour rejoindre le sud de la France par les canaux. Ses études de droit ne le passionne plus alors que la chanson l’attire, pour être dans la lumière, sans doute. Des essais pas très concluants jusqu’à ce qu’il rencontre le messie : Eddie Barclay. Celui-ci le lance avec “Si Je Chante” en 1968, sa belle gueule et son petit accent faisant le reste. On le voit à l’Eurovision pour son pays ou encore dans une comédie musicale mais son succès reste encore d’estime. En 1974, il trouve enfin le tube qui le laissera à la postérité : Vanina. En réalité, il s’agit d’une adaptation du titre “Runaway” de Del Shanon, succès de l’année 61 aux Etats-unis.

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Il lui faut confirmer et en 1975 il sort les tubes “Dansez Maintenant” et surtout “Du coté de chez Swann”. Il fait partie des incontournables de cette fin des années 70 en France et se contente de vivre sur ces succès aux paroles pourtant éloignées de sa réalité. Car Dave n’a rien dans la vie du chanteur à minettes, partageant la vie de son parolier **Patrick Loiseau **(auteur de l’adaptation de Vanina). Il continue à vivoter sur des petites scènes à enregistrer de nouveaux titres mais dans l’anonymat quasi total. On le voit dans une publicité au double sens “Il paraît que Dave n’aime pas l’Edam” montrant aussi que le personnage a de l’humour. Un humour, au vitriol souvent, qu’il utilise avec brio dans des émissions de télévision, les années 70 revenant soudainement à la mode. Il fait parler de lui lors des retransmissions de l’Eurovision et petit à petit revient dans la lumière dans ces années 2000. Affichant ouvertement sa gay-attitude, décrivant sans prendre de gants les coulisses du show-biz, il énerve autant qu’il amuse. De chanteur, le voilà animateur, guest-star des émissions de variété et même juré dans “La France a un incroyable talent”. Musicalement, il continue à se faire plaisir et enregistre ses succès en version classique et maintenant en version jazz et soul.

Car le style revient à la mode, au même titre que les albums de duos. Voilà donc Dave qui invite son vieil ami Daniel Auteuil sur cet album, au nom évoquant à la fois ses yeux bleus et la soul joué par les blancs. La pochette est délicieusement rétro, rappelant celles des Platters et autres groupes du genre qui trustaient les charts des années 50.  En effet, la filiation avec ce groupe transparait rapidement tant les arrangements évoquent le Doo-Woop par l’utilisation d’onomatopées en fond. Ne nous y trompons pas, Dave s’est attaché les service du même arrangeur que le très marketé Ben L’oncle Soul, Guillaume Poncelet, histoire de surfer sur le même succès. Enregistré sur le label Motown France, il n’en faut pas plus pour que l’album acquiert la respectabilité du milieu jazz et soul. Ce retour vers le passé d’une musique souvent vue comme nombriliste en est-il pour autant intéressant ?

Oui l’arrangement paraît daté et cela de manière exagéré usant jusqu’à la corde les gimmicks de l’époque. Mais pourquoi avoir accentué à ce point les percussions ? C’est d’autant plus flagrant sur Trop Beau, la reprise deu Sugar Baby Love des Rubettes. Mais les titres qui ouvrent l’album ont ce qu’il faut de pèche pour faire oublier cette impression de “fake”. On déchante vite avec la version pesante de “Du coté de chez Swann” où Daniel Auteuil parle sur tous les couplets au lieu de chanter, certainement pour mieux mettre en valeur le texte. On continue à fond dans le rétro avec “Dansez maintenant”, autre reprise de Glenn Miller cette fois. C’est bien un Dave crooner que nous entendons mais l’exercice ne convient plus à sa voix qui a, bien naturellement, du mal sur les aigus. “Est-ce par hasard” convient bien mieux à l’exercice surtout avec Sylvie Vartan. On s’étonne que Dave n’ait pas tenté le duo sur “Allo Elisa” qu’il avait chanté avec Jane Birkin. Il faut bien le support de choeurs pour donner le change sur un refrain enlevé. Il est bien plus à l’aise sur un “Tant qu’il y aura” très soul soutenu par des cuivres et des percussions plus discrètes. L’arrangement est certainement l’un des meilleurs de l’album. C’est un plaisir également de réentendre la “Lettre à Hélène” avec l’apport de l’orgue Hammond. On se demande pourtant ce qu’apporte cette réinstrumentation timide sur une aussi jolie chanson. “Mon coeur est malade” s’en va dans des tonalités gospel mais les choeurs paraissent bien … malades par rapport à l’excellence de la section cuivre. “Hurlevent” méritait aussi mieux que cette percussion trop présente déchirant l’ambiance d’un titre se suffit normalement à lui seul. Là encore, Dave n’a plus le vibrato et les aigus d’antan mais au moins ne triche-t-il pas. L’album se termine par “Il n’y a pas de honte à être heureux” en duo avec Françoise Hardy, tout en douceur. Et étrangement, le morceau paraît l’un des plus homogène, cohérent avec la nostalgie que dégage l’ensemble et surtout avec des voix à l’unisson avec les instruments.

Le but de l’album est évidemment de faire redécouvrir les titres de Dave à travers une instrumentation paradoxalement à la mode tout en étant totalement dépassée. L’exception française, dira-t-on ? Mais un bon titre n’a pas besoin de ces artifices quand il est bon au naturel. Un unplugged ou un album bien plus épuré aurait été un meilleur choix car malgré toute sa bonne volonté, Dave ne sera pas reconnu autrement que comme un trublion et un chanteur atypique à la voix reconnaissable, ce qui n’est déjà pas mal.

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Ecrit le : 10/06/2013
Categorie : musique
Tags : folk,jazz,Musique,Pop,2010s

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