Culture - Rencontrer le temps qui passe

C’est en lisant un ancien ouvrage de 谷口ジロー Taniguchi Jirō que j’ai eu cette réflexion autour du temps qui passe. C’est un thème récurent chez ce mangaka tout autant que la peinture de la vie quotidienne et des relations humaines. Les “Années douces” (adaptation d’un roman d’Hirmi Kawakami) édité en 2008 chez nous, semble arriver à point nommé par son regard d’une presque quarantenaire sur sa vie.

Ce n’est pas le premier ouvrage du maître qui entre en résonance avec ma propre vie. Ce n’est pas la seule oeuvre culturelle qui procure ce sentiment de rencontre et d’adéquation avec notre propre vie. Aussi éloignés sommes nous tous, la vie nous rapproche par nos similitudes. Je pourrais citer des musiques de chevet comme celles de Kent, Miossec, VAST, REM, Queen…. Mais là n’est pas le propos. Il y a des moments étonnants dans la vie où nous retrouvons des personnes croisées dans notre enfance qui nous ramènent alors à nos souvenirs. En nous ramenant à nos souvenirs, elles nous ramènent à notre vision fantasmée de ces personnes. Amours de jeunesse ou simples camarades, il est rare de rencontrer une personne telle que nous l’imaginions. Et il est rare qu’elle ait eu une vision de nous telle que nous l’imaginions. Le temps a fait son oeuvre et transforme. Il transforme les souvenirs, les idéalisent. Il transforme surtout les gens, leur vision de la vie, les a rendu parents parfois. Il transforme l’idéal de jeunesse en une réalité souvent décevante.

Quand je dis décevante, c’est par rapport à cette candeur, cet idéalisme que nous avions dans notre jeunesse. Il est souvent absent, disparu au profit de choses plus terre à terre. Le monde adulte, dit-on, mais c’est surtout l’oubli de ce que nous étions, des épreuves, des bonheurs simples. Si Taniguchi me correspond plutôt bien, c’est justement par cet attachement aux choses simples et souvent qualifiées d’insignifiantes. Il aime à glisser une part d’autobiographie dans ces récits parfois et se retourne souvent sur son passé. **En allant à la rencontre avec notre passé **et en le confrontant avec nos goûts, j’aime à penser qu’on en apprend beaucoup sur soi, en bien ou en mal, comme on apprend à comprendre les autres. Cette introspection nécessaire est au coeur de la psychologie mais nécessite aussi un apport extérieur pour ne pas s’enfermer dans des erreurs. Mais le plus important, c’est finalement le temps, savoir le prendre, le laisser filer parfois et ne plus en être esclave. Dans le monde artistique et culturel, cette notion du temps, de la rencontre avec un instant, est importante et en opposition avec le terme de production. Délai, périodicité, date de sortie, voilà qui finit par tuer la créativité et j’ai souri en découvrant que Taniguchi avait banni cela de sa vie d’auteur.

J’ai arrêté plusieurs travaux d’écriture et j’en reprend un en ce moment. J’ai cessé de donner une notion périodique à mes écrits, à fournir pour fournir dans un webzine ou ailleurs. Mais parfois, je me dis aussi que dans mon travail “nourricier” qui nécessite parfois une part de créativité, il est bon parfois de ne pas se fixer trop d’objectifs et de s’organiser en conséquence en utilisant les taches rébarbatives pour combler ces périodes. Il est étonnant de voir comment justement un pays comme le Japon peut avoir produit des auteurs et des philosophies plutôt contemplatives tout autant que des méthodes de travail et d’organisation bien réglées. En étant plus observateur, on peut pourtant penser qu’il y a quelque part un équilibre entre ces deux mondes. Ce besoin de faire une pause introspective ne semble plus possible. Les dirigeants, directeurs qui ont des destinées humaines entre leurs mains, ont ils encore le temps pour cela avec des agendas remplis de mondanités inutiles ? Je ne le pense pas et paradoxalement nous n’accepterions qu’ils en aient. L’engrenage du temps tel que nous l’avons construit n’accepte plus de pause. L’homme a créé des machines pour connaître l’heure pour mieux s’en rendre esclave.

De digressions en digressions, j’en reviens pourtant à mon introduction sur les rencontres que nous faisons entre une oeuvre et notre propre vie. C’est la nécessité de la culture dans nos vie, de l’inutile pour certains. Et comment juger, dans ce grand fourre-tout qu’est la culture, de ce qui est important, entre un Patrick Sebastien et un Kent ? Ne pas juger et juste se dire qu’entre pure détente et réflexion, tout est utile. Est-ce que ce texte le sera ? Qu’importe pour moi, il l’est à ce moment et disparaîtra peut-être un jour… dans un temps futur.


Ecrit le : 02/05/2015
Categorie : reflexion
Tags : art,bd,Culture,LittératureetBD,Réflexion,temps

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