Géopolitique - Proche-Orient, l'eau, l'autre enjeu des conflits

On parle très souvent du pétrole comme enjeu majeur de cette région, mais on oublie trop souvent que l’agriculture est aussi une ressource essentielle avec comme corollaire l’utilisation de l’eau. Et ceci pourrait expliquer d’autres conflits présents et à venir.

Les ressources en eau de la région sont représentées sur la carte suivante :

On voit par exemple que l’Arabie Saoudite utilise des usines de désalinisation, n’ayant pas de grands fleuves et de régions très fertiles. Au contraire, l’Irak bénéficie de fleuves et de barrages ce qui offre des possibilités. Pour Israel, c’est sur la bande cotière que l’on a des nappes d’eau ainsi qu’en Cisjordanie et la vallée du Jourdain, tandis que la Turquie bénéficie de sources de fleuves dans sa partie orientale. La Syrie a l’Euphrate dans une partie de son territoire, celui-là même qui a été touché par la sécheresse. Sachant que la Turquie a des barages en amont, on imagine le pouvoir de régulation qu’elle a sur les pays en aval. Idem pour l’Iran pour une moindre part. Quant au Liban, il a aussi des sources, notamment celle du Jourdain qui fixe la frontière entre Israel et la Jordanie.

Pour bien comprendre les enjeux, il faut aussi regarder une carte de prospective de la consommation d’eau.

On voit que les zones de conflits sont en Israel et Jordanie, au Soudan, ou au Pakistan, voir au Turkmenistan, mais aussi en ….Arménie et Azerbajian. Ces pays sont justement des lieux de conflits en ce moment. Le Turkmenistan conserve une relative stabilité du fait de sa dictature mais aussi d’une production de gaz qui lui permet d’avoir des ressources. Mais sa production de coton a aussi besoin d’eau et pourrait être contrariée dans l’avenir. La mer caspienne, fermée, n’aide pas non plus à améliorer la situation. Ne parlons même pas de la catastrophe de la mer d’Aral, qui tarde à se remettre des aménagements hydroélectriques en amont.

Les barrages sont justement un enjeu majeur dans la consommation énergétique et aquatique. Nous avons vu que les principaux barrages se situent aujourd’hui en Turquie ou en Irak. L’Irak n’a pas d’autres pays en aval, alors que la Turquie si. Mais dans les années 60 (notamment la guerre des six jours), des projets arabes sur le Jourdain menaçaient aussi l’irigation israelienne. Israel a largement détourné les ressources en eau à son profit, faisant de ce bien un enjeu dans les conflits frontaliers. On peut voir ci contre un plan de diversion de l’eau. La dispute autour du plateau du Golan entre Syrie et Israel vise aussi à la maitrise de ces ressources. La bande de Gaza et la cisjordanie sont continuellement l’objet de disputes autour de l’accès à l’eau, Israel pompant aussi dans les ressources situées sous ces territoired. Et comme les précipitations ne sont pas aussi très régulières, il n’y a pas d’autre moyen que de construire des barrages et des canaux pour maîtriser les ressources.

Les régions agricoles sont alors directement impactées par cette capacité à maîtriser l’irrigation. Si le régime Syrien a été remis en cause par des rébellions, c’est aussi fortement par une sécheresse et son

incapacité à assurer des réserves en eau aux régions agricoles. On peut pourtant voir ci dessous, que les précipitations permettraient aussi une meilleure maîtrise, si les installations de stockage étaient optimisées.

Les sécheresses s’accentuent ces dernières années. Les cartes ci dessous (source NCAR) représentent les tendances à venir dans le monde.

Outre les conditions qui se dégraderont fortement en Europe, on voit que la tendance est à l’accentuation des sécheresses dans des zones déjà en stress. Ainsi on peut voir que l’utilisation agricole de l’eau n’est pas égale à la ressource en eau, selon le développement de l’économie. C’est le cas au proche-orient si l’on compare Israel et territoires palestiniens, par exemple.

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L’Egypte et Israel sont parmi les pays les mieux irrigués dans la région. La Turquie a encore de gros aménagements à faire et cela risque de jouer dans la répartition à venir. Le barrage d’Ilisu, par exemple, situé sur le Tigre, peut avoir un gros impact sur les vallées irakiennes et kurdes (dont la ville d’Hasankeyf disparaîtrait sous les eaux). Il existe un projet de 22 barrages dans cette zone de l’Anatolie qui est en cours de complément. Voilà encore de quoi alimenter des conflits régionaux pour de nombreuses années.

Aussi, il est impératif de réunir les différents partis sur ce sujet dans les négociations de paix. Ainsi pouvait-on comprendre la proposition française d’une table ronde internationale…Mais Israël a tout intérêt à morceler les débats pour gagner du temps et mieux se doter en irrigation.

En complément, vous pouvez aussi consulter les statistiques de la FAO : http://www.fao.org/nr/water/aquastat/maps/index.stm


Ecrit le : 06/07/2016
Categorie : geopolitique
Tags : agriculture,eau,énergie,environnement,Geopolitique,israel,liban,moyenorient,palestine,procheorient,syrie,turquie

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