Blog - Pokemon et Réalité diminuée 

Vous n’avez pas pu échapper au phénomène Pokemon go, un jeu qui remet en lumière le principe appelé “Réalité augmentée”. Enfin, c’est ce qu’on essaye de faire croire.

Il faut rappeler au passage que des jeux utilisant une caméra sont sortis il y a très longtemps. Je pense par exemple à l’Eye Toy de la Playstation 2, une première incursion du “casual gaming” bien avant la Wii mais qui ne sera pas suivie par Sony. On peut aussi mettre le Kinect de Microsoft sur sa Xbox dans le même panier puisqu’il y a aussi une caméra, même si elle est là pour détecter le mouvement du joueur plutôt que d’ajouter des éléments à une réalité. Mais en plongeant le joueur et ses mouvements dans la réalité d’un écran, c’est aussi une forme de “réalité augmentée”. Car il s’agit de “superposer un modèle virtuel 2D ou 3D à la perception que nous avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel”. Si c’était du Cinéma, on penserait à “Qui veut la Peau de Roger Rabbit”, ou bien “Peter et Elliott le Dragon”. On rencontre cela depuis très longtemps dans des applications de “relooking” pour choisir coiffure ou lunette par exemple. Et sur Smartphone, le concept existe depuis longtemps avec des jeux comme Ingress de Google, sorti en 2012. Ce n’est pas un hasard si c’est justement le même studio, Niantic Labs, qui a développé Pokemon Go.

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Mais alors, cette réalité est-elle augmentée réellement ? Dans le sens où on rajoute des objets 3D, oui. Mais en fait, ils vont masquer la réalité dans cette superposition d’image sur un plan 2D (l’écran), ou même nous emmener dans un autre monde, plus virtuel que réel. Le vrai terme devrait être réalité modifiée. Mais avouons que c’est beaucoup moins vendeur, voir que ça fait un peu peur. Dans le même genre, on a la réalité virtuelle qui revient périodiquement, comme avec l’Oculus Rift ou les ridicules dispositifs pour mettre son smartphone Samsung. Le problème est alors l’isolement du joueur et le regard extérieur des amis/du rendent cela plus orienté “hardcore” que Casual. Sauf que le contenu ne suit pas dans la même optique pour l’instant, ou ne se différencie pas assez de ce que l’on trouve sur support classique.

On reproche souvent au “joueur” de ne plus être attentif au monde qui l’entoure. Combien de fois a-t-on accusé les jeux vidéos d’être responsables de meurtres et tueries (Breivik en Norvège, par exemple pour World of Warcraft). Souvent difficilement compris, le jeu vidéo suscite beaucoup de fantasmes, même jusqu’au monde du sexe (le mythe du cybersexe). Avec la réalité augmentée, cela ne s’améliore pas. On a vu cette semaine des messages de prévention à l’adresse des conducteurs américains sur les highways pour ne pas utiliser Pokemon Go. C’était déjà le cas pour des jeux utilisant le GPS afin d’attraper des bonus. Même l’application de GPS Waze utilise une forme de réalité augmentée en distribuant des points aléatoirement sur la carte. Tout est fait pour distordre la réalité plutôt que l’augmenter, pour modifier la notion de temps, la perception que l’on a du monde réel. Ainsi voit-on des messages publicitaires liés à son déplacement sur un GPS de smartphone. Mais dans le cas d’un jeu comme Pokemon Go, il y a aussi le fait de masquer (comme pour l’essentiel des jeux en Freemium) l’utilisation des données du joueur, de son carnet d’adresse à ses déplacements, ses différentes activités. Pire encore, l’application filmant, il est tout à fait possible de “hacker” cela pour trouver des données confidentielles. Ainsi pourrait-on imaginer une application d’espionnage industrielle déguisée en jeu vidéo et récoltant des données revendues ensuite à des entreprises concurrentes. La réalité augmente…surtout le portefeuille des créateurs, en altérant notre perception.

Quand on se lance dans ce type d’application, il est souhaitable justement de rappeler la réalité avant de l’augmenter. C’est effectivement amusant, voir fascinant de plonger dans un monde différent et à la fois familier. Mais cela peut poser aussi des problèmes, notamment pour les plus jeunes qui n’ont pas encore le recul technique pour en comprendre les limites et les dangers. Aller chercher un Pokemon rare près d’un axe de circulation ou dans un quartier dangereux, par exemple, est assez difficile à empêcher. Utiliser un APK de provenance douteuse pour avoir le jeu sur Android avant les autres aussi.

Mais comme d’habitude, ce sera un effet de mode et quand on voit les effets disponibles sur les appareils photo et caméra et l’usage que l’on en fait, c’est un peu “l’effet raclette”, le truc que l’on sort pour faire marrer les ami(e)s. L’effet de mode perdure un peu plus ici car la licence Pokemon reste une des plus grosses licences du jeu vidéo, avec un aspect générationnel fort (les joueurs de Gameboy sont maintenant jeunes adultes) et une cohérence avec le concept de base. Tout n’est pas possible avec toutes les licences mais il risque d’y avoir quelques clones baclés dans les mois qui viennent avant que le soufflé ne retombe (cf l’explosion des MMORPG à l’époque de WoW).

Merci d’être sorti de votre réalité le temps de ce modeste article, en tout cas.


Ecrit le : 23/07/2016
Categorie : geek
Tags : blog,espionnage,geek,Geekeries,pokemongo,réalitéaugmentée,smartphone

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