Reflexion - Bonjour Tristesse

En cette période d’hiver, le gris domine. Mais s’il n’y avait que la météo et la pollution qui rendait notre environnement grisâtre…

Il est vrai que je me suis fait cette réflexion lors d’un escapade parisienne à “contempler” les enchaînements de barres d’immeubles et maisons. Mais ce n’était pas seulement ce ciel gris et tous ces murs gris tournant parfois au noirâtre. Il y avait aussi toutes ces vitrines de plus en plus uniformes, entre gris foncé et marron tout aussi foncé : A peine une petite enseigne lumineuse pour les différencier. Oui, j’aurais pu en faire un petit chapitre de mon “Journal d’un râleur“…

Non, il y avait autre chose. Ces couleurs d’abord avec les voitures dont le nuancier persiste à rester entre blanc, gris et noir, la seule originalité étant une incursion dans les bleus foncés. Je me demande parfois pourquoi on engage des experts en couleur chez les constructeurs automobiles, pourquoi on permet des personnalisations pour quelques rares modèles (Fiat 500, Mini, DS 3…), pour se retrouver avec un parc aussi uniforme. Mais même du coté des vêtements, l’impression de tristesse domine, jusque dans les vitrines où la couleur ne s’invite même plus. C’est vraiment à vous faire déprimer, même si vous êtes clown.

depuis  80 ans, peu d'évolution après la

depuis 80 ans, peu d’évolution après la “révolution de style”

Oh, je ne demande pas de voir tous les jours les couleurs de l’arc en ciel, mais juste de quoi sortir de cette uniformité. Quand je pose la question à des collègues qui changent de voiture, quelle couleur ils prendront, je retrouve souvent la réponse : Gris…. parce que je la revends. Le piège ! Nous en sommes arrivés à ne plus nous faire plaisir parce que nous voulons revendre à bon prix. Un peu comme ces émissions télé de “home staging” qui montrent comment dépersonnaliser un intérieur, jusqu’à donner une impression de voir toujours le même catalogue. Mais en parlant d’uniformité et de maison, il y a aussi les formes de nos maisons. Les maisons individuelles récentes se ressemblent toutes, de manière lisse, dans des lotissements dont on duplique la solution. Les immeubles suivent aussi les mêmes recettes et le catalogue doit se résumer à 4 ou 5 modèles au plus, singeant parfois l’architecture hausmanienne dans un néorétro bas de gamme.

Pour les immeubles de bureau, on reste dans le monolithe de verre avec juste la marque pour réhausser le tout. C’est droit, massif, brillant, et ça reflète …. le gris environnant ou son petit frère de verre et de métal. Je ne vous parle même pas de la tendance à vouloir être plus haut que le voisin, … Le style qu’on appelle international est devenu insipide et pour le coup, il n’y a plus de différence entre un immeuble à Paris par rapport à un immeuble à Hanoi ou au Cap. Parfois, on retrouve heureusement des originalités de forme, de matériaux, lorsque l’architecte a su imposer sa créativité. Je ne parle pas de faire simplement un triangle de verre à la place d’un cube. Non, je parle de vraie rupture. Et puis, il faut se souvenir de ces bâtiments qu’on encense aujourd’hui : La Tour Eiffel dont personne ne voulait, le centre Beaubourg de Renzo Piano qui était vu comme une verrue (et le reste pour pas mal de parisiens)…

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Rassurez vous, vous ne verrez pas la rouge chez nous… Même base mais du neoretro insipide pour celle du bas.

Question forme, je le constate aussi dans mon domaine de prédilection, l’automobile, c’est désespérant. Tellement désespérant qu’on ne monte plus en épingle un designer par rapport aux autres, pour son audace, comme ce fut le cas, par exemple pour Chris Bangle. On recopie les recettes du voisin, on reconduit la même forme générael, on fait du néo rétro. Quel est l’intérêt aujourd’hui de voir une Fiat 124 Spyder à la silhouette déséquilibrée et qui immite le passé (sur une base de Mazda MX5), ou bien un monospace dont la seul originalité se retrouve dans les feux et l’impression de pavillon flottant ( pour cela, il suffit de faire disparaître les montants de porte et donner l’impression que le toît ne tient que par le devant de la voiture). J’avais déjà parlé de cette lubie actuelle de dessiner le montant C en triangle (le montant C, c’est le dernier de la voiture, si on considère celui du pare-brise comme A, et celui entre les portes comme B). Là encore, il ne faut pas choquer ou sortir du lot, sauf si on veut dépoussièrer une image (exemple, le Juke pour Nissan). Et même dans les jeux vidéo, on en vient à du conformisme, à des suites à n’en plus finir, des jeux qui se recopient les uns les autres en changeant à peine l’univers.

Curieusement, ces contraintes, qu’elles soient fonctionnelles ou marketing, tuent la création, tandis que les contraintes techniques peuvent parfois stimuler. Comme le rappelle Thierry Crouzet, la liberté est parfois plus castratrice dans l’écriture, notamment la poésie et ses règles établies. Mais dans le dessin, cela a des limites qui semblent infranchissables. Un monospace a une forme très définie avec un arrière vertical et donner du dynamisme revient très souvent à quelques artifices dans la découpe des vitres ou dans les bas de caisse (le truc sous les portes ;-) ). On retrouve aussi cette contrainte dans l’architecture où ne pas offusquer le voisinage revient à reprendre des codes, parfois imposés par les architectes des Bâtiments de France, à l’extrème. Et le paradoxe va jusqu’à nous faire nous extasier à l’étranger sur des maisons colorées, variées, et ne pas vouloir tenter cela chez nous.

J’en viens vraiment à me dire qu’il va finir par y avoir quelqu’un qui va interdire certaines couleurs aux fleurs dans les jardins municipaux, vu que déjà on reste dans le monochrome dans les décorations de noël. Ils seraient même capable de nous interdire le printemps, de mettre certains vêtements…. oups, on n’en est pas loin. Allez, je vais arborer de jolis couleurs sur moi, par dessous cet uniforme devenu obligatoire pour me protéger des environnements dangereux. Ne serait-ce que quelques centimètres, ils seront colorés, joyeux, quitte à être agressifs aux yeux des plus retors. Alors, dis-donc, lecteur, tu ne veux pas un peu de couleur dans ce site, maintenant ?


Ecrit le : 13/01/2017
Categorie : reflexion
Tags : architecture,Automobile,blog,conformisme,couleur,Culture,humeur,Réflexion,uniformité

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