Cinéma - Les Délices de Tokyo de Naomi Kawase (2015)

Je ne vais pas faire durer le suspens : Attention Chef d’oeuvre. Oui, je suis comme ça, je peux enthousiasmer pour un film qui ne paye pas de mine mais qui fait ressortir le meilleur de nous.

D’abord, j’en veux quand même à cette banlieue où les cinémas ne passent pas ou peu ce type de film. A part aller dans des multiplexes, il faut faire un sacré paquet de kilomètres pour dénicher la petite salle qui va le passer. Et puis je dois vous dire que je suis très embèté, car je ne peux que laisser planer du mystère sur le synopsis, ce qui ne rend pas forcément justice à ce film merveilleux :

affiche

Sen est le gérant d’un petit restaurant spécialisé dans un plat : Les Dorayakis. Un jour, Tokue, une vieille dame de 76 ans, vient le soliciter pour un emploi, pendant qu’au comptoir, la jeune Wakana, collégienne un peu paumée, se délecte des “ratés” du patron. Sen refuse de l’engager mais elle revient à la charge en lui faisant goûter son An, la pâte de haricots rouges qui fourre l’intérieur des Dorayakis. Sen change d’avis…

Avec un tel sujet, évidemment, nous ne sommes pas dans le film d’action ou de yakuzas mais dans un mélodrame de facture classique. Le film est porté par cette relation entre ces trois solitaires que sont Sen, Tokue et Wakana. Chacun porte un secret, une histoire qu’il garde pour lui mais qui mine sa vie. La plus lourde à porter est sans doute celle de Tokue mais c’est elle qui va apporter une nouvelle philosophie et une vision poétique de la vie. Elle contemple les cerisiers en fleur, les oiseaux, les feuilles des arbres qui virevoltent au gré du vent. Naomi Wakase prend le temps de poser son film pendant moins de 2h, de l’entrecouper par des plans fixes de la nature, de la ville. Comme souvent dans le cinéma japonais, il y a un aspect très contemplatif.

Mais le film se fait aussi dur à travers ces trois personnages. Il aborde des problèmes de la société japonaise, que l’on connaît ou que l’on ignore. Nous avons ainsi trois générations de personnages et ce n’est pas anodin. Les anciens sont souvent vus comme ceux qui ont reconstruits le pays, puis viennent ceux qui ont transformer, enfin viennent les jeunes qui paraissent maintenant insouciants. Mais on oublie tous les sacrifiés, ceux que l’on laisse sur le coté de ce miracle économique. Naomi Kawase leur rend un hommage à travers son film qui est l’adaptation du roman de Durian Sukegawa. Il faut aussi rendre hommage aux interprètes des personnages avec en premier lieu, Kirin Kiki qui joue Tokue et qui a reçu un prix d’interprétation dans son pays. Mais c’est un trio avec Masatoshi Nagase (Sen) et (Kyara Uchida). Techniquement, on a une photo très pure, une musique à la fois discrète et prenante.

On sort de ce film, différent. Les larmes couleront, sans doute, mais il y a comme un supplément d’âme, quelque chose qu’on ne peut expliquer par la simple histoire. C’est là que le cinéma et l’image apportent véritablement ce supplément d’âme , pour moi et grâce en soit rendue à Naomi Kawase.

ps : pour les gourmands, ça donne aussi envie de manger des …Dorayakis. Je me demande si on en trouve au quartier Pyramides à Paris.

En video : video


Ecrit le : 30/03/2017
Categorie : cinema
Tags : 2010s,Cinéma,japon,mélodrame

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