Blog - Formez-vous vous-même ou le low-cost conquérant 

Quelle drôle d’idée de parler boulot en fin de vacances. Mais c’est aussi un moment où l’on peut se former. Le monde de la formation en entreprise est en train de vivre la révolution numérique. Hourra, aurait-on tendance à crier, mais à l’instar de l’éducation nationale et son plan numérique, ça part dans le n’importe quoi!

Me former tout seul, je sais faire depuis bien longtemps. J’ai eu, durant ma carrière, des formations dites “classiques”, c’est à dire avec des sociétés extérieures ou des formateurs internes. J’ai aussi fait moi-même formateur pour des dizaines de personnes depuis 10 ans sur des sujets plus ou moins pointus. Mais aujourd’hui, j’ai de moins en moins de formation moi-même, et moins de demandes. Pourquoi? Parce qu’on dispose de supports numériques pour s’autoformer. Ah, bon? ça suffit?

Le Contenu

Entre temps, on a eu l’arrivée des MOOC, ou Massive Open Online Courses, ce qu’on traduira par cours ouvert massivement en ligne. J’ai pratiqué aussi, à travers des supports et vidéos youtube, en anglais ou français. Et il y a 2 ans, j’ai vu débarquer des formations internes qui veulent s’inspirer de cette pratique. A tel point que c’est pour tout comme ça, depuis. Mais contrairement aux MOOC, ce sont des powerpoint/flash vaguement animés avec une vidéo où l’on voit une jeune femme dire “Et maintenant les points à retenir”…..et puis c’est tout. Avec des collègues, j’ai récemment suivi une formation pour renouveler une habilitation. Ils ont passé brillamment les tests de validation en fin de cours qui est en 10 étapes. Mais 1 semaine plus tard, ils n’en savent pas vraiment plus pour une application terrain. En plus, il devrait y avoir une partie pratique sur ce cursus, on risque de l’attendre longtemps. Comme c’est affreusement mal organisé, elle a lieue 9 mois après…. ou pas du tout. Quant à une des formations que je fais, ma présentation est conçue pour être accompagnée d’exercices, de participation des élèves, pas pour être seulement lue. (et j’ai toujours eu des mesures de satisfaction plutôt très positive, ça fait plaisir) Sinon, dans l’utilisation des matériels, on demande aux gens de lire la documentation que l’on a écrit….sauf que le constat est tout autre : Transmission orale partielle, pas du tout d’autoformation et encore moins d’appel à ceux qui savent.

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Une atmosphère idéale, non?

Le temps

Pourquoi? Parce que les personnes en formation ou qui devraient se former n’ont tout simplement pas le temps de se poser pour faire ce genre de choses. Me former moi même sur une activité qui occupe déjà mon temps, je sais faire. Mais là, c’est en dehors de mon boulot normal, sans application, et en open space, même avec un casque, on est tout le temps dérangé. Il faut alors trouver une salle pour cela, donc se bloquer une période. Et évidemment, on te fera la remarque que tu n’es pas disponible. Un peu comme le podcast et la vidéo youtube par rapport au Blog, tu te retrouves avec des contenus qui s’utilisent différemment. Un document, ça s’annote, ça se tronçonne. Une session de formation conçue pour être faite d’une traite, c’est bordélique. Pour les personnes qui doivent sortir des essais et travaillent dans un couloir de bancs d’essai, c’est pire. C’est la pression du résultat et aucune place n’a été prévue pour la formation, même chez le nouvel arrivant qui se contente de tourner en double quelques mois avec une personnes qui fait vaguement la transmission, tout en faisant son job sous pression.

La méthodologie en question

Je vois Cyrille râler sur les travers de la pédagogie dans l’éducation nationale, les modes sans lendemain, alors qu’on pourraît vraiment travailler ensemble. Un peu comme les tablettes qui paraissent miraculeuses à ceux qui ne les utilisent pas, les autoformations en ligne paraissent miraculeuses pour ceux qui n’ont pas à en suivre. Elles ont un intérêt : ça coûte moins cher qu’une formation classique avec une société extérieure ou en interne. Enfin, en apparence car cela se retrouve autrement : On prend du temps sur ses journées de travail et on ne fait pas autre chose et surtout, on est très mal formé. J’ai même testé des logiciels récemment, et comme d’habitude, tout le travail préparatoire (construire une base de données test) était baclé. C’est souvent le cas sur des exemples dans les formations qui ne sont pas du tout en phase avec l’activité de la société. Exemple pour une habilitation qui n’a aucun exemple dans mon domaine direct. Et puis s’il suffisait de lire un document pour tout savoir, ça se saurait. Ce n’est pas Le Caméléon, la vie réelle! Tous les domaines et tous les élèves ne peuvent s’adapter à ce type de formation. ça, les profs le savent bien et nous aussi, quand nous étions “réfractaires” à des cours.

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Le nerf de la guerre : L’argent et les indicateurs

S’il n’y avait donc que la méthodologie. Mais au bout de cela, on a de jolis indicateurs pour dire qu’on a formé X personnes par an pour un coût de Y. Plus le ratio X/Y est élevé, mieux c’est, sans qu’il y ait de mesure qualitative. A pôle emploi, on a eu la même démarche avec des formations pour dégraisser les indicateurs , mais des boîtes bidons qui se sont montées sur ce domaine en faisant n’importe quoi. J’ai l’impression que l’éducation nationale est en train de prendre le même pli, avec comme seul indicateur, le taux de réussite au Bac et Brevet, oubliant même le nombre de personne ayant le bac pour une classe d’age (autour de 63% depuis 20 ans contre 30% jusque vers 1988). L’arrêt du redoublement, l’augmentation/stagnation de l’illettrisme (En 2011, 7% de la population adulte âgée de 18 à 65 ans ayant été scolarisée en France est en situation d’illettrisme, dont 6% des personnes ayant un emploi mais on manque de données antérieures fiables) sont des facteurs aggravants et montrent qu’une méthode unique ne peut convenir sans accompagnement. Là on nous parle d’une méthode semi globale, de nouveaux indicateurs à travers des tests….hum, on verra.

Le “Do it Yourself”(DIY pour fait le toi-même) ne marchera pas si il n’y a pas un humain qui accompagne chacun. Ceux qui ont essayé d’apprendre une langue savent bien qu’à un moment, il faut pratiquer avec un humain pour que ça fonctionne. Alors on se dirige donc droit vers une catastrophe dans le domaine de la formation professionnelle si on étend ce genre de pratiques. Après l’indice des fonctionnaires qui est aussi gelé que les crédits de l’éducation nationale, on va geler le budget formation pour quelques années, contrairement aux dividendes. On oublie simplement que ce qui ne se paye pas aujourd’hui, se paiera demain quand la concurrence étrangère se sera formée, elle, et grâce à nous car là, c’est bizarre, on envoie des personnes pour former sur place ou sinon ils viennent ici ! Allez, une bonne nouvelle, quand même, à force de batailler avec ma hiérarchie, on va remettre en place des formations pratiques pour les nouveaux arrivants.

On va donc reprendre les bases….

En video : video


Ecrit le : 02/09/2017
Categorie : relexion
Tags : éducation,blog,formation,industrie,politique,Réflexion

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