Littérature - Alphabet City d'Eleanor Henderson (2015)

Dans cette épopée de jeunes adultes et d’adolescents du Vermont et de New-York, Eleanor Henderson nous fait découvrir toute une époque et un mouvement : Le Straight Edge et la scène New Yorkaise des années 80.

Même s’il ne s’agit pas d’une biographie, l’auteure a su trouver un moyen de rendre tout cela bien vivant :

Vermont, années 1980. Jude Keffy-Horn, fils adoptif d’un couple de hippies, est élevé par sa mère qui, pour subsister, vend des bangs artisanaux. Livré à lui-même, l’adolescent passe ses journées à tromper l’ennui en fumant de l’herbe avec son meilleur ami Teddy en rêvant à une vie plus palpitante. Après un terrible drame, Jude va rejoindre son père, dealer de marijuana à New York. Là, il découvre une ville violente et dépressive, loin du Flower Power, celle de l’ère Reagan, des junkies de Tompkins Square Park, des débuts du sida, mais aussi une ville plus vivante et excessive que jamais, qui voit naître l’explosion du punk hardcore au CBGB.

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Mais plus que du punk hardcore, c’est le Straight Edge qui est dépeint, une mouvance qui refuse l’alcool, la drogue, la viande, voir même le sexe…En faisant la rencontre du demi-frère de son ami Teddy, Jude plonge corps et bien dans ce mouvement, essayant de trouver la rédemption et de passer aussi à l’age adulte. S’il est le fil rouge du récit, Eleanor Henderson nous fait la peinture très sombre de cette époque violente.

Les thèmes du livre s’imbriquent les uns dans les autres. Outre la drogue et l’adolescence, il y a une sorte d’initiation, de passage à l’age adulte qui se construit, tant chez le personnage de Jude que chez celui d’Eliza et même de Johnny, ce “M. Propre” qui croit avoir trouvé la réponse dans cette philosophie de vie mais voit son monde détruit peu à peu par le Sida. Car il y a aussi l’homosexualité et la sexualité débridée issue des mouvements hippies pour certains ou inhérente au rock pour d’autre. Tout cela donne un livre qui est dense en éléments.

Pourtant, il y a des longueurs, des passages où l’on ressent l’ennui même de nos personnages, terrés dans ce Vermont trop calme et pourtant si désenchanté. On s’attend à vivre beaucoup plus dans ce quartier new-yorkais d’Alphabet City, dans l’East Village de Manhattan. Même si on parcourt un peu le Lower East Side mythique, on reste un peu sur sa faim. Aujourd’hui, le CBGB et bon nombre des boites et salles citées ont fermé. C’est devenu un quartier bobo très loin de cette époque dangereuse où la prostitution et la drogue régnaient en maîtresses de la ville qui ne dort jamais. L’auteure travaille finalement plus sur ce parcours de vie semé d’embûches. La philosophie du Straight Edge montre sa variété, ses sources étonnantes. Et forcément, comme je suis Vegan, j’étais un peu plus interessé. Il aurait fallu que j’accompagne ma lecture par quelques groupes mythiques de l’époque : Minor Threat mais aussi 7Seconds ou Negative FX. On en voit bien l’aspect militant, violent, intolérant vis à vis des dealers mais aussi des autres mouvements musicaux de l’époque.

Au final, on a donc un livre entre témoignage et parcours initiatique. Il a des défauts et touchera peut-être plus ceux qui ont vécu un peu de ces années. Un livre que je trouve trop générationnel pour être totalement réussi mais au bout duquel je suis allé sans trop de difficulté, ce qui montre sa bonne construction.


Ecrit le : 01/11/2018
Categorie : litterature
Tags : 1980s,2010s,adolescence,drogue,homosexualité,littérature,LittératureetBD,Newyork,Punk,Rock,straightedge,usa,vegan

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