Réflexion - Minoritaire

Libriste, Vegan, Hybridiste, Animaliste, etc…Autant de qualificatif qui font de moi une minorité. Et pourtant aujourd’hui, on oublie que toutes les révolutions sont faites par des minorités, celles que l’on n’entend plus.

L’histoire a montré qu’une minorité peut faire basculer les situations. La révolution russe de 1917 n’a pas été remportée par le groupe qui semblait majoritaire dans les représentations de l’époque. La Révolution française s’est faite à Paris avec le support d’une minorité de régions et une sur-représentativité de la bourgeoisie par rapport à la majorité paysanne. Même la création des Etats-unis n’est qu’une action d’une minorité mais qui sut conquérir l’adhésion des autres habitants, peu à peu. L’indépendance du Vietnam est partie d’un tout petit groupe après des échecs auparavant. Et puis dans ces nombreux cas, les pouvoirs en place ont utilisé l’arme de la caricature, de la condescendance et de la peur pour contrecarrer cela. Sur le cas qui occupe les actualités françaises, quelqu’un comme Frédéric Lordon fait une juste analyse des réactions… Sachant qu’aujourd’hui, notre société des médias et de l’image est attirée par le clash, la violence des actes et des mots, et choisira donc des “représentants” extrêmes plutôt que consensuels à montrer au public, à moins qu’ils passent vraiment bien à l’image ou ne recherchent opportunément la lumière. Et puis dans les groupes, ce sont les beaux-parleurs et les grandes-gueules qui ressortent en premier, pas forcément les sages et les intellectuels. On a vu surgir quelques youtubeurs/tubeuses mais certainement pas les plus fins analystes ou les plus représentatifs de la situation dénoncée (surtout ce dangereux imbécile de Flyrider alias Maxime Nicolle ).

Les Funérailles de Galli l’anarchiste par Carlo Carrà (1910)

Mais oublions un peu nos gilets jaunes d’un multicolore virant tantôt au rouge ou parfois au brun face à un gouvernement blanc de peur et ignorant. Au sortir du premier tour des présidentielles, je pensais que si le gagnant ne prenait pas en compte qu’il ne représente que 24% des participants qui ne sont qu’une part des personnes en age de voter, soit une adhésion plus proche de 16%, il allait au devant de graves ennuis. Bingo, on est tombé sur des gens dont le sens des réalités est inversement proportionnel aux résultats du deuxième tour et je continue à en vouloir à ceux qui n’ont pas décodé le risque ( l’ancien monde caché derrière la promesse de nouveau monde) dès le premier tour… J’ai entendu des gilets jaunes s’excuser de leur vote. On parle de respecter le résultat d’une élection mais il n’a justement pas été respecté, ce qui s’ajoute à un autre marqueur majeur, le non respect du référendum de 2005 ou au hold-up de 2008 sur la dette des pays et villes, conséquence de l’ultra-libéralisme du secteur bancaire. Alea jacta est. Et bien maintenant regardons un peu le reste de ces minorités dont je fais parfois partie, ce qui semblerait moins politique.

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Hélder Câmara, évêque catholique brésilien, connu pour sa lutte contre la pauvreté et cité par … Olivier Besancenot

Les vegans sont une petite minorité assez hétérogène dans le comportement. Il y a des gens comme moi qui sont modérés mais convaincus, des gens plus activistes mais non violents et une petite frange violente qui veut l’abolition de la viande, considérant (à juste titre) que la violence est dans les abattoirs. Pendant longtemps, on ne nous a montré que cette petite frange, monté en épingle les plus farfelus avant que peu à peu l’idée du véganisme ne ressorte comme une solution intelligente, notamment face aux problèmes écologiques. 78% des terres agricoles sont destinées à la nourriture du bétail, par exemple. La minorité végane commence alors à devenir crédible même si scientifiquement on doute de l’application à tout le monde (ce qui peut aussi être retourné…) et qu’il peut y avoir des aménagements à trouver pour la santé de certains (je pense par exemple à la vitamine B12). Aujourd’hui le veganisme est crédible et récupéré par les gros de l’agro-alimentaire , pas toujours en bien pour la santé d’ailleurs. Mais peu à peu, on voit de plus en plus de personnes qui mangent végétal au moins une fois par semaine. Le changement de société peut se faire en douceur mais il reste aussi des agressions continuelles, moqueries, et surtout un prosélytisme fort du monde de la viande (la semaine dernière, je tombais sur une émission plus proche de la publi-information sur le foie gras, à la place…. d’une émission sur la protection animale ! ). Et pour la violence, j’ai déjà cité le chiffre des milliards d’animaux tués, et de ceux dont l’agonie sert d’amusement et de loisir… Elle est là, la vraie violence primaire (cf citation plus haut) à laquelle on ne répond pas (voir les derniers votes du parlement, à rebours de l’opinion).

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L’enjeu et les matières premières sur les batteries

En cette période où l’on parle énergie, je me souviens de mes débuts avec un véhicule hybride, il y a 14 ans de cela. On vendait alors 2/3 de diesels et l’essence devait être 20% plus chère. Le système était cher mais pas forcément plus qu’un diesel. Et je passais mon temps à expliquer le fonctionnement de la voiture, les avantages et inconvénients. Quand j’allais à la pompe, on me demandait combien ça consommait, si ça se branchait. J’avais tout calculé sur la vie de la voiture, de l’assurance aux pneus en passant par les révisions, les hypothèses de kilométrages annuels, sachant que j’étais en ville. J’ai eu une opportunité financière que j’ai finement budgété par rapport à la durée de vie du produit.  J’étais conscient de l’imperfection du système (encore que nous ne sommes pas dans uns sophistication ou une trop grande concentration de batterie), même si à l’époque son moteur thermique était plutôt basique, extrêmement fiable. Je connais aujourd’hui les (la?) faille de l’engin, les problèmes de la concurrence qui après avoir critiqué pendant près de 10 ans, se voit forcée de s’y mettre. Il y en a encore pour 10 ans car pour moi ce n’était qu’une transition vers autre chose, que j’aurais espéré sans voiture pour la majorité. Mais nous n’avons toujours pas compris que notre modèle de vie n’était pas viable, que notre monde est comme une île dans l’espace, comme l’île de Pâques mais la statue est un gros billet de banque. L’hybride ne convenait pas à tous les usages et l’imposer n’aurait pas été la bonne solution. Pourtant nous avons pris du retard en refusant l’évidence de la non adaptation des moteurs thermiques modernes et notamment diesel, aux villes, du fait des temps de chauffe des éléments. Le changement nécessaire est devenu violent et donc clivant car il y a eu un manque d’ouverture d’esprit sur des solutions transitoires comme l’était l’hybride (on a enterré aussi d’autres principes) et le seront l’hybride-rechargeable et l’électrique, qui n’est pas une fin. Aujourd’hui, aucun fabricant de batteries n’a été créé en Europe ce qui aura de graves conséquences. Le retard ne se rattrapera pas quand on connaît déjà la course entre Chine, Japon et Corée et le retard US. Le surcoût que l’on fait payer à ce retard et l’abandon de beaucoup d’autres alternatives crédibles va créer aussi une crise durable dans l’industrie automobile et toutes les professions autour (transport et logistique, services…) et par effet de bord sur la population. Là aussi, la violence primaire est au refus de l’industrie d’évoluer pour garder la rentabilité à court terme. 

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La production de batteries dans l’avenir proche

Je suis aussi Libriste, c’est à dire que j’essaie de trouver des alternatives plus respectueuses dans les logiciels et systèmes d’exploitation, des choses qui ne nous gavent pas de pubs, ne nous espionnent pas, même si malheureusement je n’arrive pas à mes fins pour tout. Certains voudraient imposer cela à tout le monde, évidemment. On a des extrémistes qui sont pour le retour pur et simple à des systèmes d’exploitation sans interface graphique, parce que pour eux c’est suffisant, d’autres pour qui c’est de l’interface graphique mais 100% “libre” et d’autres qui essaient de concilier cela. Sauf que 97% du marché n’est pas sur un système d’exploitation libre. Sauf qu’imposer par exemple du GNU/Linux à des administrations, ça nécessite du SAV, de la formation et que les tenants de la majorité caricaturent vite ce monde du libre (tout en investissant dessus d’ailleurs) pour maintenir leur monopole. Entre ces deux extrêmes, il n’y a guère de place dans laquelle M. et Mme Michu pourraient trouver leur bonheur. Ah si, mettre du libre dans les logiciels sur un OS qui ne l’est pas…ou vice versa, ce qui est déjà plus compliqué. La dépendance aux sociétés comme Google, Apple et Microsoft dans le domaine de l’informatique est proche de la drogue pour beaucoup d’utilisateurs. Rien que mettre du Libre Office à la place de Word et Excel et on a des réponses de junkies : “mais comment je vais faire”, “je comprends rien à tes icônes”, “ma feuille ne se lit plus”… souvent de faux problèmes mais avec le cloud, la dépendance est encore pire. Je peux alors comprendre la volonté de revenir à du basique, du libre, de la décroissance informatique et d’imposer littéralement ces solutions aux utilisateurs… A condition que le support suive ! On s’aperçoit pourtant qu’il n’y a pas tant de support que cela de la part des société éditrices de solutions propriétaires. Si on ajoute à cela l’optimisation fiscale de ces société, on comprend aussi qu’à cette violence, on veuille répondre par l’interdiction pure et simple de ces produits.

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Et puis je suis Animaliste, c’est à dire que je soutiens que les animaux sont des êtres sensibles capables de souffrir, et par-là même dignes de considération morale de la part des êtres humains. Je vois aujourd’hui que je passe de moins en moins pour un illuminé, alors qu’il y a 10 ou 15 ans, j’étais le doux-dingue de service. Je vois des philosophes et penseurs parler de la condition animale, comme dernièrement le très médiatique (et controversé sur d’autres sujets) Alain Finkielkraut, et des recherches scientifiques s’intéresser à la sensibilité de l’animal. J’entends autour de moi des gens touchés par la souffrance animale dans les vidéos que l’on peut voir sur Internet. Ils ne mettent pas encore tout le règne animal sur un même plan mais il y a une avancée dans ce domaine. On peut aller jusqu’à considérer l’animal comme une minorité, malgré notre statut de minorité dominante à nous, les humains. Je suis évidemment minoritaire dans cette manière de penser et je le serai encore longtemps car d’autres questions se posent autour de cela sur la prédation, la relation dominant-dominé qui peuvent guider dans des débats philosophiques. Là encore, l’Animaliste est toujours caricaturé comme d’ailleurs on peut caricaturer le chasseur (ils font souvent ce qu’il faut pour…), le carnivore, etc… Et l’humain, dominant, ne comprend pas l’interaction des animaux avec lui.

Le manque de considération du dominant vis à vis des minorités est souvent la source de conflits. Le jusqu’au-boutisme de la minorité est aussi la même source de conflit. Et pourtant nous voyons aujourd’hui des sujets sur la table à cause de ces actions violentes, ce qui revient à légitimer la violence. Je n’oublie pas que les avancées sociales dont tout le monde bénéficie aujourd’hui ont été obtenues sur des barricades avec des morts et des charges policières au sabre clair. En reprenant la situation politique d’il y a 15 ans et en regardant l’évolution du discours des 3 derniers quinquennats, on voit le manque de considération qu’ont pu avoir les dominants vis à vis de minorités, qu’elles soient de classes (On cherche maintenant plus facilement le fraudeur pauvre que le riche), de corporations, ou syndicales (puisque la spécificité de notre pays est le manque de syndicalisme représentatif).  Sur ce dernier point, l’impression était que les mouvements sociaux n’étaient pas suivis par la population, que l’on s’évertuait à diviser. Sauf que la minorité est comme une cocotte minute et à force de résignations empilées, il peut y avoir explosion, pas toujours rationnelle, alors. Si j’étais, par exemple, moqué sans arrêt pour mon veganisme, mon animalisme, que je ne trouvais aucune alternative pour le vivre correctement tous les jours, je me “radicaliserais” probablement. 

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toute ressemblance avec la réalité serait….

L’étincelle est imprévisible par nature. Comme le point de rupture des plaques tectoniques, on peut surveiller la tension des éléments mais on est incapable de prévoir la date du séisme, de l’éruption volcanique. Beaucoup prédisaient, comme moi, une exaspération à venir et se désespéraient également de la passivité. Car plus on avance dans la passivité, plus l’explosion sera forte et destructrice. Bien que je sois minoritaire sur les points cités, je ne souhaite pas pour autant imposer mes idées par la force, parce que j’ai la possibilité de m’exprimer et que je ne me sens pas haï. Mais de la même manière, si mes idées étaient dominantes, je devrais aussi faire attention à ceux qui ne pensent pas comme moi. Chacun trouvera dans sa vie des aspects où il est minoritaire. Le riche se sent minoritaire et le pauvre aussi. L’un se protègera par ses moyens quand le second ne le peut pas. Le croyant d’une religion peut se sentir minoritaire par rapport à une autre, ou à l’athéisme, la laïcité qui peut aussi être extrême dans son application. Pour voir tout cela, il faut aussi aller voir ailleurs que juste autour de soi. Je suis depuis quelques années au contact de collègues ouvriers ou cadres mais je me souviens d’un temps où j’avais une vision bien différente autour de moi avec essentiellement des jeunes cadres et cadres supérieurs. Les discours étaient très différents.

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Berlin, 1929

Pendant ces dernières semaines j’étais choqué par le décalage entre les éditorialistes et journalistes et les réalités. On parle d’une haine du journalisme chez certains mais il y a des raisons à cela. Le débat de BFM où les journalistes défendent le pouvoir au lieu d’animer est un exemple. La représentativité de la société dans les grandes écoles de journalistes de Paris est un problème qui tarde à être réglé. Voir des éditorialistes liés au pouvoir sur tous les plateaux (on a même ressorti Alain Duhamel de la naphtaline !) est un problème et je vous conseille la lecture des Nouveaux chiens de garde ou la vision du film qui en est issu. On montre plus volontiers le chaos que l’ordre d’une manifestation pacifique. Avec notre défaut de la centralisation, qui est accentué par le manque de moyen des rédactions pour voir ce qui se passe dans le territoire, on montre plus Paris que la province. Ce n’est pas un hasard si le journal de 13h de Pernaud surfe sur cette impression de donner la parole aux oubliés, même si c’est par un prisme conservateur. Pour le reste, on montre la province avec une condescendance toute parisienne. Et le risque de tout cela, c’est la défiance pour croire des rumeurs. Il y en a en effet beaucoup qui circulent et même reprises par des partis pas toujours extrémistes (LR avec … oups Eric Cioti et Bruno Retailleau, ah si c’est extrême droite ).  Là encore, il ne faut pas oublier que la violence initiale est d’avoir oublié une partie de la population dans le traitement de l’actualité, d’avoir parfois menti par omission, d’avoir préféré le spectaculaire au factuel et au savoir. La conséquence est une propagation de la violence dans les villes de province puisque cela apparaît comme un moyen d’être “visible”.

Au moment où j’écris ses lignes, il y a eu des drames, des violences de part et d’autre, des pillages, et on en attend peut-être d’autres. La rupture n’est que partielle mais la tension continue de monter justement par cette constance dans le manque de considération des dominants. Aujourd’hui on parle pouvoir d’achat, pauvreté, dans un pays qui reste parmi les plus riches de la planète. On essaie de nous opposer à la situation de pays plus pauvres que nous et qui parfois vivent plus heureux que nous, mais aussi en montrant le fond du précipice où sont déjà d’autres. Il faudrait se souvenir que lorsque l’on paye toujours plus pour moins de services publics, on ressent l’injustice. Quand on dissimule des mesures par des manœuvres comptable, tout semble louche. Mais il faudrait aussi se poser des questions sur** une société de consommation exacerbée** qui veut faire croire  que le bonheur vient par la possession et la richesse, ce qui ne peut que créer un décalage entre majorité et minorité. Il faut s’interroger sur le besoin d’avoir toujours plus, de faire croire qu’on peut acheter des biens autrefois de luxe mais qui sont devenus de piètre qualité, fabriqués de plus en plus loin, avec de plus en plus de souffrance, humaine et animale, ce qui finalement supprime nos propres emplois (Bercy reconnaît une sous-estimation du problème de la balance commerciale, … qui révèle que la reprise est de façade). Les quatre sujets que j’ai choisis, l’abordent directement ou indirectement … J’ai déjà parlé du fait que l’on ne donne plus les prix des choses mais les loyers à payer (automobile, téléphonie, high-tech notamment) créant une impression de pouvoir d’achat qui se transforme en vrai endettement et asservissement à la finance. Personne ne prépare réellement à cela, à résister à ce matraquage publicitaire continuel. Curieusement, la crise intervient pendant la période où l’on pousse le plus à la surconsommation, au gaspillage avec le Black Friday et la période de Noël. Les pillages touchent banques, bijouteries et boutiques de téléphonie…A méditer.

La conscience que la majorité est un ensemble de minorités sauvera-t-elle ce monde de l’embrasement ? Retrouvera-t-on un peu de cette fraternité qui s’évapore de jour en jour ? J’en doute un peu quand un président joue au Machiavel en divisant un peu plus chaque minorité *

(*) : par exemple quand après la crises des gilets jaunes on pose la question : “Quelles sont les attentes et les inquiétudes des Français relatives à l’immigration, dans un contexte de mondialisation et de laïcitéparfois bousculée ?”

En video : video


Ecrit le : 15/12/2018
Categorie : reflexion
Tags : philosophie,politique,Réflexion

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