Cinéma - My Lady de Richard Eyre (2018)

Pour un peu, je ne serais pas allé voir ce drame juridique (c’est comme ça que c’est décrit)…S’il n’y avait pas eu Emma Thompson en tête d’affiche.

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Elle est, sans aucun doute pour moi, la meilleure actrice aujourd’hui, aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie, dans la sobriété que dans l’exubérance. Je l’ai connu chez Ivory, Brannagh, Shakespeare, …. toujours un ravissement. Et dans ce film, elle est encore une fois formidable. Puisque je parle du casting, nous avons aussi un Stanley Tucci presque à contre-emploi et ça fait du bien de le voir ainsi. Encore un acteur dont on ne dit pas assez de bien. Et puis nous avons Ben Chaplin, et la fine fleur des acteurs et actrices anglais, la production étant de la BBC. Cette adaptation du roman de Ian Mc Ewan est dirigée par un vieux routier : Lord Richard Eyre. On lui devait déjà le très bon “Chronique d’un scandale” avec Cate Blanchett et Judi Dench. On va voir qu’on ne s’éloigne pas tant que ça du thème.

Il est demandé à un juge de la Haute Cour (La Juge Maye, jouée par Emma Thompson) de statuer dans le cas d’un mineur dont les parents refusent de permettre à leur enfant de subir une transfusion sanguine salvatrice pour des raisons religieuses. C’est principalement l’enseignement des Témoins de Jéhovah qui considèrent l’instruction de la tradition juive interdisant l’ingestion de “sang vital”. Mais la juge Maye a aussi une vie compliquée, avec un travail qui l’absorbe totalement au détriment de sa vie de couple.

Richard Eyre prend le temps d’installer ses personnages. Nous découvrons alors la solitude de cette juge que le mari essaye de faire parler, qui se sent tellement loin de ses collègues mâles et qui trouve un refuge dans la musique. Heureusement, elle a aussi un greffier totalement dévoué, une sorte de majordome so british. La première affaire que nous voyons (des siamois à séparer…) pose parfaitement le décor et la problématique. Elle est seule face aux plaignants, à dieu, aux médias, à la vie. Quand je dis face à dieu, c’est qu’il tient une place importante dans cette histoire. On s’y rapporte par deux fois en opposition à la justice des hommes, telle qu’elle est écrite dans le droit. Et le jeune Adam Henry que nous allons ensuite suivre, est en recherche d’un “dieu”. Il croit en trouver un en cette juge, cette sage qui semble parfois plus maternelle que sa propre mère, effacée. Peut-être aussi parce qu’elle même a besoin de ressentir un amour maternel et de l’exprimer alors qu’elle n’a jamais pu.

Le film est d’un aspect austère et très britannique. Et pourtant c’est un véritable bonheur à se laisser emmener dans ces 1H40. Les thèmes et les questions s’entrecroisent et ne laissent pas le spectateur de marbre. On rit (un peu, c’est un drame) et on pleure. On est intrigué par cette société anglaise et ce monde de la justice qui a l’air d’une classe intermédiaire, une noblesse du jugement avec ses protocoles. Ne sont-ils pas un peu des dieux eux-même dans leur tribunal, avec droit de vie et de mort. Et pourtant tout explose dans la vie de la juge Maye : Son couple, ses croyances, ses certitudes. Et finalement, on voit toute la difficulté de ces actes de justice qu’on voudrait presque robotiser aujourd’hui. On oublie la dimension humaine, le poids considérable que cela impose dans une vie. C’est aussi un milieu très masculin où la solitude semble plus pesante chez les juges femmes. En tout cas, c’est ce que donne comme impression ce film magnifique, qui se mérite un peu, quand même.

Ce n’est pas un cinéma d’action, un cinéma où l’on peut être passif. Un film dont la traduction du titre original (The Children Act) n’aide pas forcément à comprendre de quoi il s’agit et qui se voit évidemment en VO.

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Ecrit le : 14/08/2018
Categorie : cinema
Tags : 2010s,angleterre,Cinéma,drame,justice,religion

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