Blog - Ralentir... encore

Je m’étais promis de moins écrire cette année, de prendre plus de temps pour d’autres choses. Et bien c’est un peu raté… Je m’étais promis d’être un peu plus déconnecté du monde numérique, de l’immédiat. Et bien ce n’est pas encore assez.

A cette allure, je vais avoir à peine 10% d’articles en moins, allez 15% si j’enlève la BD mais en fait ça me prend autant de temps qu’un gros article si ce n’est plus. Et pire que ça, j’ai des articles d’avance pour des semaines et des semaines. Je pourrais presque les revendre à Cascador qui ne veut plus écrire, ha, ha !

Et puis s’il n’y avait que l’écriture mais il y a aussi l’actualité, le monde qui bouge autour de moi, les buzz etc… Ca crépite, ça flashe, ça gronde, ça explose et j’ai l’impression de ne pas m’en protéger assez. Il y a les conversations de bureau qui te happent, celles du train, parfois quand je n’ai pas le casque sur les oreilles. Il y a les unes de journaux que l’on croise, les scandales qui masquent toute autre actualité. Et on te pousse à réagir, à choisir un camp. Chaque jour, je regarde les flux RSS. J’avais plus de 300 articles sur mes quelques flux. Impossible à lire, j’ai dit STOP!!!!! A quoi bon avoir toutes les nouvelles dont beaucoup trop sont insignifiantes ? J’ai sabré dans tout cela et j’ai encore autour de 100 articles par jour. Trop ! Le pire c’est qu’il y a des redites, des doublons, comme si certains sites tenaient absolument à nous faire lire tout ça. Je survole, j’en lis vraiment moins de 10 par jour. Mais pourtant je tente une expérience : Stocker chez moi ce que j’aurais pu “gazouilleren microblogging avant de le sortir un mois plus tard. Je ne pense pas que la rubrique va faire long feu mais ça aura peut être quelques mérites. Pour le reste, j’ai vidé tous les comptes, même si j’ai gardé ça ouvert. On parle souvent de “tourner 7 fois sa langue dans sa bouche”, une autre manière de dire qu’il faut réfléchir avant de parler. Tous ces “Hashtags” balancés à longueur d’émissions de télévision, de talkshows, ou même d’émission de cuisine, cela va à l’inverse. On croit créer un dialogue mais chacun parle dans son coin, monologue et quand on essaie le dialogue, on invective, on insulte car à ce moment, on s’introduit chez ce “monologueur”, on rentre dans son intimité qu’il expose pourtant au grand jour. Que la plateforme soit décentralisée ou pas importe peu.

Mais ralentir, ça a aussi d’autres mérites. Récemment, on m’a confié une vaste analyse de données que d’autres avaient du mal à faire depuis des mois, apparemment. Imaginez une trentaines de colonnes, 20 000 lignes de données et on ne sait pas vraiment quoi en tirer. J’aurais pu sauter directement dans les données, faire des courbes avec tout en même temps, ce qui avait été fait, mais j’ai commencé par interviewer des personnes que l’on n’avait pas forcément consultées, qui auraient pu avoir un intérêt dans cette analyse. Je m’imprégnais de leur contexte en les écoutant et en même temps je notais quelques idées d’indicateurs pertinents. Je gardais aussi la première analyse que j’avais vu en demandant ce qu’ils voulaient voir à travers les indicateurs choisis. On s’aperçoit souvent qu’il n’y a pas de réponse. Et puis je me suis lancé dans quelques essais avec mon jouet préféré (du temps où j’étais dans un autre domaine), le tableau croisé dynamique. Petit à petit, j’ai structuré en identifiant à partir d’un indicateur global des points à détailler, puis j’ai construit des indicateurs plus précis sur ces points et je suis descendu petit à petit sur les détails pertinents. Je me suis alors gardé une demi journée pour faire un tableur configuré pour extraire les données, expliquer le principe par des commentaires, des étapes. J’avais tout dans la tête, il ne restait qu’à faire. Puis j’ai gardé une autre demi journée le lendemain pour faire la présentation du résultat. La nuit porte conseil et j’ai corrigé certains points. Je me suis gardé une autre journée pour réfléchir à cela avant présentation … de ce qu’ils attendaient 1 semaine plus tard. Mission remplie et client satisfait. Si je n’avais pas fait ces étapes avec des temps de réflexion, de pause, de marche parfois, je n’aurais certainement pas eu ce résultat, j’en suis sûr. Et lorsqu’on demande de mener plusieurs activités de front, comme dans mon travail, il y a besoin de ces temps pour mieux voir et comprendre. 

Dans l’écriture, il en va de même et ce billet aura certainement eu une vingtaine de relecture, d’additions, de soustractions de paragraphes, de modifications de mots, de phrases jusqu’au dernier moment, parfois même 5 minutes avant la date et l’heure que je me suis fixé. Aujourd’hui, je ne publie plus rien sans un minimum de temps de réflexion et de maturation, contrairement à ce que je faisais il y a 5 ans, même dans l’activité de webzine où j’étais. Eternel insatisfait, je pourrais presque reprendre les 1000 articles du blog pour les refaire et refaire encore car leur contenu n’est plus forcément en phase avec le monde d’aujourd’hui, les goûts, la culture du moment. Et puis pour les billets culturels, c’est encore différent. J’ai encore tendance à écrire dans la foulée d’une lecture, pour garder les détails, les citations. Et puis je le publie bien longtemps après, je le laisse murir, vieillir en fût de données. Je le reprends alors, quelques jours avant la publication fixée, je corrige, je me dis que c’est nul, qu’il faut recommencer, que ça ne mérite plus un billet de blog, parfois.  Pour la musique, c’est encore différent. Je ne suis décidément pas en phase avec mon temps ou plutôt j’ai vieilli car le streaming ne peut pas correspondre à ma “consommation”.

Je suis sans doute trop **fan du format “Album” de la musique, **cet enchainement de chansons qui répond à une logique, celle de l’artiste je l’espère et pas seulement celle du marketing. Il me faut le temps de l’intégrer, d’entrer dans ce monde de sons, de mots. Je ne peux pas écrire quelque chose juste après une première ou deuxième écoute, écrire sur commande même dans la semaine. Parfois, il y a le coup de foudre, une envie irrépressible d’en parler mais c’est si rare : Un tous les 3 à 5 ans, peut-être ? La plupart du temps, je laisse la musique m’accompagner, sans vraiment tout écouter, pour me baigner dedans, qu’elle soit comme mon environnement naturel. Les mots tombent là où ils doivent, sur la note qui est devenue une amie. Je commence à pouvoir fredonner, chanter dans ma tête où m’apercevoir que ça n’a aucun effet. L’album m’accompagne sur le trajet vers le travail, dans mon activité pour m’isoler de l’open-space, chez moi, quand je ne dérange pas le reste de la maisonnée (il y a des chats mélomanes…). Le streaming ne fait jamais cela, si ce n’est pour découvrir par hasard une pépite à travers des recommandations qui ne me satisfont jamais. La radio avait autrefois cette qualité mais la plupart sont gangrénées pas un marketing, une panelisation qui rend tout insipide et répétitif. Et encore, il faut que le morceau dure juste ce qu’il faut sinon on coupe ce qui dépasse. Là encore, on ne prend plus le temps…

Je ne pourrais jamais être fan, non plus, des voyages organisés, de ces trucs où l’on nous parque dans des cars, des villages et on nous compresse tout ce qu’il y a à voir dans le moins de temps possible. Je préfère payer plus cher, choisir ce que je veux, faire cela à mon rythme avec madame et prendre le temps de contempler, rencontrer. J’aime marcher, errer, ressentir une atmosphère et parfois je zappe volontiers un monument pour voir autre chose qui paraîtrait insignifiant. C’est plus le trajet qui m’intéresse, ou simplement le lieu dans sa solitude. J’ai encore en mémoire ce moment passé à l’aube dans les temples de My Son au Vietnam. Nous étions partis la nuit, à 8 (américains, allemands, …) avec un guide et c’est tout. Le soleil s’est levé juste avant notre arrivée sur ce lieu chargé d’histoire. Il y avait ce son de la jungle, l’âme d’un peuple disparu, les stigmates d’une guerre fratricide. La lumière rendait grâce à ce lieu sacré et je n’ai même pas pris le temps de prendre tant de photos que ça. Le souvenir du moment passe au delà de l’image. D’ailleurs le petit groupe que nous étions parlait peu, pendant ce moment. Nous contemplions… Cette contemplation, je l’ai eu dans d’autres lieux, quand la chance nous est encore donnée de nous extraire du brouhaha de la foule, cette même foule que je peux aimer simplement regarder et écouter, par ailleurs. Je n’aime peut-être plus les musées aujourd’hui car justement on ne laisse plus le temps de contempler, dans la bousculade perpétuelle, avec des explications trop “design” pour être lisibles, en plus. Mon dernier bon souvenir reste celui de la Tate Modern de Londres avec une merveilleuse exposition sur Turner qui allait au delà de la simple exposition des oeuvres. Nous entrions dans l’intimité de l’artiste, de la préparation des couleurs, la visite des lieux qui l’inspiraient. 

Aujourd’hui, j’ai plus l’impression que la culture et le voyage sont des biens de consommation que l’on vend comme des paquets de lessive, que l’on brandit comme le dernier smartphone ou comme un bijou. Et puis même vivre ne supporte plus le temps qui passe. Tout doit-être immédiat, livré le jour même ou au pire le lendemain. On ne supporte même plus qu’un film n’apparaisse pas sur son écran de télévision le surlendemain de sa sortie en salle. Et une fois vu, il faut immédiatement avoir un avis, le partager, noter, toujours noter. Je le fais aussi, c’est vrai, plus pour me souvenir que ça mérite ou pas une nouvelle vision, ou pas. Mais il faut parfois confronter son avis, comprendre son ressenti de l’instant. Dans mon bilan 2018, j’aurai l’occasion de reparler de ça et du décalage que je ressens avec ceux qui m’entourent. Je suis toujours méfiant du goût des autres, ne pourrait-on l’être simplement du mien? Mais aujourd’hui je ne vais plus voir un film en ayant lu une critique. J’y vais sur l’envie, une bande annonce, une histoire, un sujet, un acteur ou une actrice. J’assume la déception possible et puis parfois je vais voir un choix qui n’est pas le mien, celui de madame, même si nos avis se rejoignent souvent. Mais là aussi j’aime la contemplation possible, fuyant le monde bruyant d’une salle remplie pour attendre que ça ne soit plus à la mode. J’aime avoir des temps de respiration dans un film, pouvoir observer autant ce qu’il se passe à l’écran que ce qui se voit moins, la mise en scène, le jeu, la photographie, écouter le son et non plus l’entendre. On passe alors du “Voir” au “Souvenir”.

J’ai l’impression de ne plus pouvoir me souvenir en étant perpétuellement dans l’instant présent, dans l’immédiat. Ralentir c’est aussi profiter de ces instants, de ses proches, les écouter, les comprendre, les observer quand les mots ne suffisent plus. Ralentir, ce n’est pas être moins efficace, mais plus concentré quand aujourd’hui il est prouvé que le cerveau ne sait plus faire avec toutes ces sollicitations futiles et inutiles. Il reste beaucoup de travail sur soi pour ne pas sombrer dans nos excès et ce n’est pas que la déconnexion. C’est savoir retrouver le beau qui nous entoure, simplement, voir aussi ce qui est moins agréable, la souffrance, la détresse pour mieux y répondre. Ralentir, c’est aussi accéder à la mélancolie, sinon à la nostalgie, penser au passé pour mieux comprendre le présent, sinon son futur. Ralentir, c’est s’arrêter d’écrire quelques secondes et regarder autour de soi, l’oiseau posé sur le toit, son chat qui fait sa toilette, écouter le réveil de la nature et reprendre le fil de sa pensée.

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Ecrit le : 24/11/2018
Categorie : reflexion
Tags : actualité,blog,déconnexion,geek,internet,lifestyle,Réflexion,smartphone,web

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