Réflexion - de la variabilité de la morale

Après trois billets du samedi plus ou moins liés (cf celui de Cyrille qui en ferait presque le lien …), j’avais envie de faire un billet plus militant. Il y a quelques semaines, plusieurs évènements plus ou moins médiatiques m’ont fait m’interroger sur la morale qu’on nous brandit à tout crin.

Il y a eu ce petit clash entre l’animateur Naguy et la chanteuse(!) Joyce Jonathan au sujet d’une association qu’elle défendait dans un jeu télévisé. Cette association vise à améliorer la recherche pour que l’on utilise des cellules et milieux in-vitro plutôt que des animaux pour les tests. Dans un argumentaire plutôt bancal, Naguy qui se dit par ailleurs végétarien, a émis l’idée qu’il préférait sauver un enfant plutôt qu’un animal qui, je cite, a déjà la maladie. C’est bien mal connaître le sujet mais comme par ailleurs il représente le Téléthon, le contraire aurait aussi été dommageable pour… lui. Ce qui m’a choqué, alors, c’est d’un coté cette gradation, disons le ce spécisme, qui en plus se base sur de faux arguments.

Les tests sur les animaux, qui comprennent la vivisection, sont apparus au 19ème siècle et ont sans doute fait avancer la science dans la compréhension du vivant et des maladies. Cela s’est développé au cours du 20ème siècle pour devenir quasiment la norme dans les tests. La pensée de Descartes qui considère l’animal comme objet ou machine qui ne pense pas, a sans doute aidé. Mais aujourd’hui, nous en savons bien plus sur l’animal et sa proximité avec nous, ou ses différences. Si bien que depuis la fin du 20ème siècle, de nombreuses recherches visent à se passer du modèle animal qui a montré ses limites. Si l’homme a des points communs avec des animaux, il ne fonctionne pas pareil, même avec ses plus “proches parents”. Il n’existe pas d’animaux malades par hasard mais on élève et transforme génétiquement des espèces animales pour ces laboratoires spécialisés : rats, souris, lapins, porcs, chiens, chats, singes de différentes espèces. Sinon, on injecte des substances, des maladies, on mutile, de manière à se rapprocher d’un pseudo-modèle humain. De nombreux chercheurs s’élèvent contre ces pratiques qu’ils jugent d’un autre age, pas seulement pour la souffrance animale, mais parce qu’il y a trop de différences avec le modèle humain dans nos connaissances actuelles. S’ajoute à cela le problème de l’interaction médicamenteuse qui a grandi avec une pharmacopée de plus en plus vaste. La complexité de faire une batterie de test complète sur animaux amène à penser autrement la recherche.

Mais s’ajoute aussi des découvertes liées à l’épigénétique, discipline assez récente qui s’intéresse à l’évolution des gênes sans modification du code génétique. La complexité de la machine humaine se dévoile et cela devrait amener à une remise en cause de ces méthodes archaïques et, disons le, barbares. Sauf que derrière l’expérimentation animale, il y a un business, parfois aussi du trafic illégal d’animaux (cf Ile Maurice, Vietnam, Chine, …). Les laboratoires et société de cosmétiques sous-traitent au plus offrant pour se couvrir, car il ne faut plus avoir de laboratoires internes, pour l’image et la legislation. On refait des tests inutiles, aux résultats connus, juste pour la forme, parfois pour des normes d’un autre age (la Chine a récemment évolué sur ce sujet). On nous dit que ce n’est qu’une première approche, que des tests sur des humains volontaires sont faits… Ce n’est pourtant plus suffisant aujourd’hui quand on regarde à quoi l’humain est exposé en terme de molécules, particules chimiques. Les scandales sanitaires se succèdent pour les médicaments avec beaucoup d’opacité. Pendant ce temps, heureusement, la recherche d’autres techniques progresse, malgré le peu de moyens donnés. Un exemple récent sur le traitement du cancer montre l’étape in-vitro avant une étape de test sur souris puis le passage à l’homme.  Car évidemment, ça coûte, pour l’instant, plus cher que de prendre un modèle animal avec une souris qui vaut quelques euros (plus pour celles modifiées). Et pourtant on estime à au moins 25, le nombre d’animaux mourant dans des tests chaque seconde, à comparer aux 4,4 naissances d’humain par seconde. Cela fait 788 millions de sacrifiés, par an, dont 11,5 millions rien qu’en Europe (rapport de la commission européenne de 2010). Et encore les tests sur les cosmétiques sont interdits en Europe depuis 2009, quoique

Je ne vais pas parler du code de Nuremberg, jamais vraiment appliqué et qui fit suite aux expérimentations de la seconde guerre mondiale sur les humains. Il faut pourtant se poser la question du risque. Certains refusent les vaccins car trop risqués pour leur enfant, tandis qu’ils peuvent mettre en danger une population plus grande en étant porteur sain. Je sais pour ma part que le vaccin contre la grippe m’est néfaste (a chaque vaccination j’étais grippé dans les 3 mois qui suivaient, alors que je n’ai jamais eu de grippe sans vaccin), mais je suis vacciné pour d’autres maladies sans problème. Dans notre vision occidentale du monde, l’animal vaut souvent moins que l’humain. On accepte plus volontiers de sacrifier une centaine de souris pour le bien d’un humain, surtout si c’est un enfant, car notre société fait aussi une gradation selon l’âge. On considère presque cela comme une norme et quand je vois ce que l’on fait de nos vieux, tout devient logique. Sauf que cela n’est pas valable dans le reste du monde où le vivant n’a pas ce même “classement”.

Car il y a eu publication des résultats d’une étude baptisée “Moral machine”. Il s’agissait de définir des choix moraux d’une intelligence artificielle, comme par exemple une voiture autonome qui doit choisir entre sauver son passager, un groupe d’une maman et son enfant, ou un groupe de plusieurs personnes âgées. On voit des tendances, qu’il faut pondérer toutefois selon la provenance des réponses : L’humain plutôt que l’animal, le plus de personnes plutôt que le moins, le plus jeune plutôt que le plus âgé (alors que l’on envoie paradoxalement nos jeunes se faire tuer dans les guerres…cf les déplacements de notre VRP national qui célèbre une boucherie en glorifiant ceux qui ont fait tirer dans le dos d’innocents, fait des exemples ignobles… parenthèse refermée). Il faut introduire la dimension géographique et culturelle, ce qui comprend aussi la religion. On peut voir des différence entre le sexe des victimes potentielles et on peut imaginer aussi la couleur de peau chez certains, si ce critère avait été introduit. On voit déjà que les résultats oublient une bonne partie de la population africaine… hum. Mais par exemple, la Chine ne privilégie pas le plus jeune, mais privilégie nettement l’humain à l’animal. Privilégier l’enfant est très nettement marqué en France, moins sur d’autres pays. Au Brésil, on prend beaucoup en compte l’animal, tout comme en Turquie, mais la différence se fait sur le sort des piétons plutôt que les “automobilistes”. Tout cela implique un véritable casse-tête qui pourrait amener à des IA programmées différemment selon les pays.

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L’homme respectait-il plus l’animal à cette époque que l’on disait sans morale ?

L’étude montre aussi des regroupements de pays, avec une bonne partie des pays d’Europe du nord similaire à l’Amérique du nord et aux pays du Commonwealth. L’Asie aurait des similitudes, ainsi que la France avec son ancienne zone d’influence. L’Amérique du sud a aussi des similitudes et on peut y voir autant l’influence du milieu que de la religion, de la culture. Protestantisme, Catholicisme, Bouddhisme, Islam, …L’influence du statut social apparaît très peu dans certains pays du nord de l’Europe, mais aussi du sud de l’Europe alors que des pays plus libéraux le prennent en compte. L’étude ne pondère pas non plus selon le poids de la population dans le monde et ça renverserait sans doute quelques échelles de valeur.

Mais même sans prendre ces sujets clivants, il suffit de regarder la place de l’animal dans notre société, de nos ainés, l’éducation de l’enfant pour constater comment la morale peut varier. Rien que l’altruisme contre l’égoïsme sont une variable flagrante. Un exemple juste à côté de chez moi me le montre : Lorsque mon voisin rentre le soir, malgré toute la place qu’il a dans la rue et même si quelqu’un le suit, il met son SUV bien en travers pour le rentrer dans son allée, descend de son véhicule, ouvre son portail, revient et le rentre. Ca ne me viendrait jamais à l’esprit et je me gare d’abord devant chez moi pour ouvrir, ce qui me fait faire une manœuvre ensuite après avoir vérifié qu’il n’y a personne derrière. Il fait même pareil avec une moto, la laissant bien au milieu de la voie de circulation. On imagine alors très bien les choix moraux d’une telle personne, sachant que ses enfants font pareil. Je ne parle même pas de ceux qui se garent sur les places handicapées ou simplement sur les rampes d’accès définies pour les personnes à mobilité réduite, ceux qui laissent tourner le moteur en allant au distributeur de billet, poster une lettre, ceux qui s’arrêtent devant l’école pour prendre leur enfant plutôt que d’aller un peu plus loin pour revenir à pied…Des petits gestes qui en disent long. Alors pour l’animal, c’est plus complexe avec des choses que l’on n’admet moins chez le chien, le lapin mais qu’on fait au porc, à la souris, le veau que l’on veut manger blanc donc anémié sans savoir le cauchemar de sa courte vie, etc…. Puisque nous faisons autant de différences entre les humains (couleur, sexe, orientation sexuelle, statut social) qu’entre les espèces animales.

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Notre société est aujourd’hui de plus en plus égoïste et même si on parle de bien-être animal, il reste bien limité et utopique. Je vois que L214 vient justement de sortir une vidéo sur un abattoir “bio”, comme si ce label changeait quelque chose pour la souffrance finale. La réflexion à avoir est plus profonde, comme de se souvenir que 60 milliards d’êtres vivant meurent chaque année pour faire survivre 8 milliards d’humains (je ne parle même pas des conséquences sur l’environnement). Il faut aussi se souvenir que 36 millions de personnes sont des esclaves encore dans ce monde, Il faut se souvenir que 700 000 personnes âgées sont en maison de retraite en France dont beaucoup dans de mauvaises conditions. Il y a plus de 100 000 abandons d’animaux chaque année … Ce n’est pas pour déprimer le lecteur mais pour faire réfléchir aux choix que l’on fait et leurs impacts. Sans forcément devenir anti-spéciste, vegan, travailler dans le caritatif, dans l’aide aux personnes, nous pouvons faire de petits gestes, parler de ces choix complexes et moraux et simplement respecter ceux qui nous entourent, humains ou non humains, tout en rappelant des vérités à ceux qui ont la mort pour loisir… Quand on nous rappelle la destruction de vivant (60% des vertébrés disparus en 50 ans), les problèmes de pollinisation, la surpopulation et les migrations qui nous guettent, il faut nous dire que la cohabitation est essentielle et donc la morale, bien au delà des religions qui nous guident encore inconsciemment. Terminons avec un peu de légèreté…

En video : video

Non chroniqués : N’allez pas voir Bohemian Rhapsodysi vous aimez Queen. Le film est poussif, truffé d’erreurs chronologiques, de simplifications sur l’origine du groupe. Seule la recréation du Live Aid sauve la toute fin.Le Grand Bain n’est pas raté, par contre, mais le buzz n’est pas mérité pour cette sympathique comédie dont la mise en place est longue comme une nuit d’hiver. Le casting sauve le film de la noyade.**Silvio est les Autres **est très stylisé mais on se demande quel était le but du réalisateur dans cette chronique de Berlusconi. Ennuyeux car prévu en 2 parties, collées pour la France.


Ecrit le : 10/11/2018
Categorie : reflexion, vegan
Tags : animalisme,capitalisme,questionnement,Réflexion,religion,santé,veganisme,vivisection

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