Tuto-Test - Les Coffres-forts numériques (libres ou pas)

Ce n’est pas vraiment un test mais une réflexion autour de la mise en place d’un stockage de documents dont nous avons l’obligation de garder un exemplaire avec quelques essais de solutions, propriétaires ou libres et une méthodologie.

En fait mon employeur nous a proposé un coffre-fort numérique, mypeopledoc, et j’avais déjà ma propre solution en place. J’ai posé aussi la question sur le forum de Cyrille et on m’a beaucoup parlé de Digiposte, un peu de Cozycloud la solution libre que j’avais betatesté il y a longtemps. Je suis donc allé voir en priorité ces offres et j’ai comparé avec mes propres idées qui reposaient sur un NAS et du cloud tout à fait classique. Mes parents (et moi même d’ailleurs) sont restés à la boîte archive bien rangée avec des classeurs, etc…Sauf qu’aujourd’hui il n’y a plus de papier (et pourtant bien un coût carbone pour ce stockage numérique) donc on doit changer de stratégie dans les années qui viennent… ou imprimer tout ce qui est dématérialisé. Mais attention, numériser ne permet pas de supprimer le papier. Et imprimer un document dématérialisé ne le rend pas officiel. Cela dépend des démarches que l’on fait avec. Il faut donc prévoir d’avoir une cohabitation Papier/Numérique pendant de nombreuses années.

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La première chose est de savoir ce que l’on doit garder. Ce n’est pas compliqué à savoir, le site service public nous rappelle cela. Mais il peut aussi être bon de garder des justificatifs de domicile récents. Je vais donc parler de tout ce qui concerne la paie, la retraite, les impôts, les factures importantes pour les assurances, le dossier santé (puisque pour l’instant nous en sommes aux balbutiements du Dossier Medical Partagé). Il s’agit donc de garder des documents issus de son employeur, des caisses de retraite, des impôts, de magasins, de médecins, des fournisseurs d’énergie, de mutuelles et donc autant de mots de passe, de formats différents. A moins d’être jeune, il y a de fortes chances que tout ne soit pas numérisé aujourd’hui donc ça vous forcera à faire un peu de ménage dans la paperasse. La vie avançant, on a des points de passage qui forcent aussi à trouver des documents, comme la médaille du travail, par exemple. J’ai donc utilisé cette liste et regardé où se trouvaient aujourd’hui ces documents, si au moins je les avais en ma possession.

La seconde chose est de récupérer, vérifier et trier tout cela. Il faut alors distinguer la solution personnelle où l’on récupère tout soi-même, on numérise tout sans que cela soit validé officiellement. Les solutions commerciales, libres ou non, ont l’avantage de proposer des liens automatiques vers les organismes privés et publics pour que les documents soient officialisés dans le transfert. Accessoirement, cela évite d’en oublier mais malheureusement, les plus anciens relèvent de notre ressort, de notre numérisation. Par exemple, mes bulletins de salaires vont jusqu’en 2011 chez mon employeur. Donc si vous numérisez, ne jetez surtout pas les documents derrière. Je vous conseille de partir d’une liste comme celle de service public et cocher méthodiquement les cases/lignes pour savoir ce qu’il manque, et d’aller ensuite chercher ces documents dans les boites archives, les sites, etc. Ce document de base vous sera également utile si un tiers de confiance, un membre de votre famille a un jour à retrouver des informations. . Cela permet d’aborder sereinement la suite…

La troisième chose c’est de mettre en face une solution d’archivage. Comme je l’ai dit, elle peut-être automatisée par les prestataires alors que sinon, il faut se prendre par la main, aller vers son scanner connecté et y mettre les documents que l’on reçoit. Si l’on n’a pas un minimum d’organisation et de rigueur, je vous laisse deviner quelle solution sera à privilégier. Et c’est bien pour cela que ces services existent. Le problème est qu’aucun ne sait tout faire :

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Cozy en android

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Cozy en version web

Pour Cozycloud, la solution libre, il y a bien quelques administrations, des banques, assurances, magasins mais ça reste limité … et développé par différents acteurs libres donc les évolutions sont à garantir par Cozycloud (CC). Il faut espérer que la gestion d’un tel projet ne va pas tourner en jus de boudin comme tant de projets libres. Par contre, on peut le lier à Digiposte et donc profiter des liens de ce service en plus de ceux proposés par CC. La version Web de CC est plutôt bien faite, lisible avec des couleurs. On a 5Go sur l’offre gratuite ce qui est dans la moyenne. L’ajout de document est simple, de même que la connexion aux services. Mais comme je l’avais déjà dit auparavant lors d’un comparatif avec Nextcloud, cette solution hésite entre le cloud et l’archivage. Le versioning (gestion de versions de documents) n’est pas présent mais crée au moins un fichier repérable. Je ne trouve pas pertinent de mélanger les photos, les documents officiels, etc…On peut même y faire son suivi de compte bancaire et quand ma banque le veut bien, on récupére vraiment bien les informations avec une catégorisation qui permet un bilan visuel très efficace. Au moins, cela à l’avantage d’un seul point d’entrée. L’application mobile reste malheureusement limitée et il faut encore avoir recours au site web pour bien gérer ses données. J’ai adopté pourtant ce service qui a su évoluer dans le bon sens. Certains modules sont en maintenance et c’est mon seul point d’inquiétude pour l’instant (voir plus loin).

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L’interface unique de Mypeopledoc

Côté MyPeopleDoc, on m’a offert 10Go mais autant le dire tout de suite, cette solution française rachetée par une boîte US est à fuir pour son interface pourrie. La moindre sélection, le moindre tri est un épreuve et on peut juste reconnaître que l’upload multiple est efficace. Il n’y a aucun versioning contrairement à des solutions de cloud pur et on se retrouve avec de multiples fichiers au même nom. La sélection de plus de 20 documents est un parcours du combattant pour un utilisateur lambda. A vouloir faire trop simple, on fait surtout n’importe quoi donc je fuirais cette solution. Il n’y a pas d’application (oui, en 2019 !) mais une simple interface mobile friendly puisque déjà le site était minimaliste. Ils ont sûrement de bons vendeurs pour avoir fourgué ça à ma boîte. On ne me laisse pas le choix, pas de liaison possible en automatique avec d’autres services donc je dois faire mes réplications périodiques pour plus de sûreté.

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Digiposte en web

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Digiposte en Android*

Digiposte qui s’appuie sur la Poste, est assez ancien mais a su évoluer. Issus d’un service public, on voit donc tout l’intérêt pour l’officialisation des documents, les liens avec les autres organismes. C’est le plus riche pour cela et on est limité à 5Go et 5 liens pour la version gratuite, sinon il en coûtera quelques euros par mois. Attention, ce n’est pas prévu pour faire du cloud pur donc ne mettez pas n’importe quoi. L’application mobile est très riche et la connexion aux services est simple pour le commun des mortels, du moment que l’on a ses identifiants. On peut être un peu perdu ensuite devant la richesse des possibilités mais dans les offres non libres, c’est celle qui est largement au dessus du lot. Reste à choisir les 5 liens jugés pertinents. J’ai donc plutôt ciblé sur les organismes d’état (CPAM, Impots, ….).

Malheureusement, certains services refusent encore obstinément de fonctionner avec ces sites. Par exemple mon fournisseur de gaz est une filiale d’un grand groupe qui a jugé bon de ne pas unifier ses services. Ma mutuelle refuse aussi de fonctionner comme cela. Mon assurance auto ne met quasiment rien en lien direct et il faut tout demander unitairement. Je ne parle même pas des assurances vies, placements financiers divers qui doivent aussi ne pas être pris en compte. Il y a encore énormément de travail à faire de chaque côté pour arriver à des partages de service en toute sécurité. Le papier a encore de bonnes heures devant lui et donc le scanner/photocopieuse… ou l’imprimante.

Par ailleurs, la mise en place du Dossier Médical Partagé (à demander si vous n’avez pas reçu le courrier) crée aussi des entrées sur les dépenses de santé qui sont effectuées dans l’année. c’est un service qui peut être alimenté par l’assuré social via des numérisations de radio, ordonnances passées, examens et analyses. Je rappelle cela pour que vous ne mélangiez pas tout les documents dans tous les sens. La numérisation de notre “vie” est un long chemin, surtout pour notre génération entre deux eaux mais il faudra aussi préserver la sécurité.

Et puis sinon, il y a la possibilité de faire tout soi-même avec n’importe quelle offre de cloud, de Box, Drive jusqu’à Nextcloud autohébergé ou pas. Je ne suis pas pour le mélange des genres et je réserverai une offre de cloud très sérieuse pour cela, c’est à dire moins exposée aux piratages. J’éviterai donc de ne pas faire de double mot de passe pour un tel usage. Si on choisit cela, il faut vraiment se forcer à faire un “audit” régulier de ses sauvegardes, récupérer régulièrement les documents utiles. J’utiliserai certainement un suivi régulier (avec par exemple un rappel dans son agenda) pour faire les réplications nécessaires et sauvegardes/numérisations de document en manuel. Pour ma part, j’ai doublé cette solution d’une sauvegarde locale sur un NAS, lui même sauvegardé sur un disque externe périodiquement et qui n’est pas au même endroit ensuite.

Mais quid de la pérennité du prestataire ? Mypeopledoc et Digiposte sont garantis par des organismes pour ce qui est du stockage ce qui permettrait le cas échéant de récupérer ses données pour les placer ailleurs. Cozycloud n’a pas la même approche avec je cite “ si Cozy Cloud devait faillir à ses engagements, en tant que société nous perdrions nos utilisateurs qui pourraient aller utiliser la solution Cozy en s’hébergeant ailleurs.” Je trouve donc que ça s’adresse à une clientèle moins grand public, malgré de nombreuses certifications. Pour la durée, elle n’est pas toujours illimitée, l’offre via mon employeur durant par exemple 50 ans. Le jour où un employeur nous garde 50 ans, appelez-moi… En attendant, je mettrai en place une réplication de document de ces services vers un stockage personnel, de manière annuelle pour limiter les risques. Je me suis posé aussi la question du coût carbone de tous ces stockages car pour le papier, une fois produit, il ne coûte rien, mais pour le numérique, on continue de payer écologiquement la note à chaque seconde de vie. Le cloud et les transferts de données engloutissent déjà plus de 7% de la production électrique, même si on consomme moins au Go de données qu’il y a 5 ans. Avec l’explosion des données on prévoit même près de 20% en 2030 dans les chiffres les plus alarmants. Se restreindre au strict nécessaire et faire du stockage local ponctuel paraît donc le plus intelligent.

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Et moi, on m’archivera là

MAIS en vieillissant, on se demande aussi ce qu’il adviendra** en cas de décès **de notre part pour nos proches. Il faut aussi penser que l’on n’aura pas forcément toute sa tête pour s’occuper de la paperasse. Si je serai là pour mes parents, ça n’est pas forcément le cas pour moi derrière…et il faudra alors prévoir son “testament numérique”, c’est à dire les accès à ces documents utiles pour les procédures administratives en cas de décès. C’est aussi pour cela que la solution papier a aussi un intérêt, sa simplicité d’accès. Il faut donc savoir jongler entre les deux et mettre en place d’un côté une solution garantissant l’archivage de tout ce qui est déjà dématérialisé et de l’autre ce qui ne l’est pas. On peut s’interroger évidemment sur le coût réel de ces stockages numériques qui usent de l’énergie pendant des années, contrairement au papier. En fonction de ses usages, ses habitudes, une solution ou une autre aura notre préférence, en pensant toujours à nos proches. Profitez du moment où vous avez la liberté d’essayer ces produits pour vous poser toutes les bonnes questions.


Ecrit le : 06/04/2019
Categorie : tuto
Tags : archivage,cloud,geek,Geekeries,informatique,logiciellibre,numérique,sécurité,tutoriel

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