Réflexion - Le changement, c'est maintenant ?

Je ne vais pas verser dans le “hollandisme primaire” ou autre slogan politique mais il y a des périodes où il faut accepter de changer des choses, chez soi, autour de soi.

A commencer par un de mes matériels favoris, le NAS (serveur de stockage en réseau), et la stratégie de sauvegarde qui en découle. J’avais jusqu’ici un bon vieux DS210j de chez Synology, un petit boitier à base de processeur Intel Atom avec 128Mo de Ram, 2 disques Maxtor de 1,5To en Raid 1 et qui tournait plutôt pas mal mais dont le bouton de facade était cassé, les disques surchargés et le système d’exploitation DSM bloqué en version 4.0 pour des raisons de réactivité. Je devais changer et je l’ai fait dans la continuité, pour plein de raisons : 7 ans pour un petit serveur comme ça, c’est plutôt bien et puis les contenus commencent à avoir du mal à assumer le débit du réseau. Alors j’ai fait du changement dans la continuité : Synology DS218j avec du 4To cette fois…. de deux marques différentes pour limiter le risque, encore que.

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Un bonheur au déballage, 5 minutes de montage (6 vis et un capot) et ensuite on branche, ça démarre, on se connecte dessus avec une adresse réseau et ça prend 10 minutes pour la configuration de base grace à un assistant bien foutu. Je n’ai pas changé de crèmerie tout simplement parce que la marque reste performante, compétitive en prix, fiable et surtout…. économe en énergie. Car j’aurais pu aussi aller chercher un HP Proliant d’occasion et le recycler avec FREENAS… Ca serait un chouia plus énergivore, je suis fâché avec HP, et puis toutes les habitudes sont prises avec l’interface Synology dans la maisonnée. Là c’est juste la version qui change mais globalement on se retrouve vite. Un faux changement ? Presque puisque j’ai fixé la nouvelle adresse IP via l’adresse MAC dans mon routeur, recréé mes profils, mes répertoires, j’ai fait un montage du nouveau NAS dans l’ancien et j’ai lancé la copie des répertoires par le réseau via le gestionnaire de fichier. Ca se démerde ensuite tout seul… Mais l’ancien marchant tout jour, il va servir de backup en restant éteint la plupart du temps (on peut programmer des extinctions, etc…). Car sur un serveur domestique, non ouvert sur l’extérieur (pas besoin), tout n’est pas critique non plus, que ça soit dans la musique, les vidéos, les documents persos. Changer un NAS c’est un peu comme changer de maison, ça donne l’occasion de regarder ce que l’on met dans les cartons, de trier, même si la nouvelle maison est plus grande.

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Yellow-Red-Blue de Wassily Kandinsky - 1925

Dans cette transition, il ne faut pas hésiter à se poser des questions. La semaine dernière, je parlais des 5 pourquoi. Mon collègue Cyrille parlait aussi rangement avec son nettoyage de printemps. J’ai malheureusement du ralentir un peu de ce côté là pour m’occuper de santé. Les symptômes de madame devenant chroniques malgré les traitements, nous nous heurtions à l’ignorance des praticiens qui ne communiquent pas entre eux. J’ai repris méthodiquement toutes les analyses, listé tous les symptômes apparus et émis une première hypothèse sur la maladie. Pas de chance, elle n’est pas connue par beaucoup car prenant beaucoup de formes, mais le pire est qu’il n’y a pas le petit traitement magique. Comme disait la responsable d’un laboratoire, cela va être long car il va falloir essayer beaucoup de choses. Nous avons changé de méthodologie : Noter tous les symptômes chaque jour, les médicaments pris, les changements de protocoles, les prises d’aliments particuliers. Il y a des moments où on pense aller dans la bonne voie et hop, c’est l’erreur d’alimentation et ça repart. Il y a aussi à prendre en compte qu’un régime ne peut pas être une suppression de quelque chose d’utile au corps (le sucre surtout) et qu’il faut en trouver la bonne dose. C’est une remise en cause profonde des habitudes, une acclimatation du corps car lui aussi s’habitue aux traitements. J’espère parler rapidement de la conclusion mais quand ? En tout cas, ce jour là, j’écrirai à tous les médecins que nous avons vu pour leur expliquer ce qu’il aurait fallu voir, et faire, même si je ne désespère pas que l’un d’eux se remette en question d’ici là.

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Et puis maintenant, voilà que je suis embarqué dans le “redressement” de mon ancienne équipe, avec mon chef qui cherche des solutions. Pour savoir jusqu’où il voulait aller, je lui ai parlé des 5 pourquoi, ce qu’il veut que nous fassions nous même (je ne l’ai pas attendu…) mais j’ai émis l’idée que ça ne devrait pas être animé par lui mais par quelqu’un d’extérieur au problème…. Que n’avais-je dit ? J’ai bien senti qu’à chaud, il n’était pas prêt à se remettre en cause ou à remettre en cause des décisions… Hum, ça me rappelle quelqu’un. On pense que les personnes sont des problèmes, pas les structures, les tâches et c’est souvent un tout. Cela a permis de discuter, d’arrêter cette spirale de l’infantilisation des personnels (tu n’es pas capable de faire ça, alors je te demande moins…) et d’avoir des projets constructifs. Le lendemain, lorsqu’il a présenté cela à d’autres personnes, j’étais heureux d’entendre un discours similaire au mien. Nous n’avons pas trouvé encore le comment, mais l’idée germe et surtout nous nous appuyons sur la vision client, la vision qualité pour faire bouger les choses, car tout le monde ne sait pas qu’il y a des problèmes, ou ne réalise pas sa part dans cela.

On me dira qu’il y a des indicateurs, pour ça…. Encore faut-il avoir les bons, savoir les lire et les analyser. Cyrille parle justement de l’éducation qu’il faut sauver et du Brevet blanc qui est justement remis pour être un indicateur. La situation est dramatique pour lui et je l’entends de la part d’autres personnes dans l’enseignement. Pour du changement, on en fait, mais de manière désordonnée et illogique. Les causes racines du problème ne sont pas que dans l’éducation, elles sont aussi sociétales (Cyrille parle du rôle des parents, de l’individualisme, de l’enfant roi, des thèmes que l’on peut aussi développer par ailleurs). Mais comme pour la santé, il y a une interdépendance des spécialités. Pas de mathématiques sans avoir un bon niveau de français et Cyrille parle de mots qui coincent dans l’énoncé. Je me souviens de parents d’élèves qui râlaient pour les mêmes raisons au bac : Inadmissible car il faut faire lire. Pas de sciences physiques de biologie sans mathématiques et je suis bien placé pour le savoir quand je vois que beaucoup de gens à bac+2 et plus ont encore du mal sur des choses aussi simples que la règle de trois, la régression linéaire (moins simple ok mais essentielle….), les équations du premier degré. Je suis dans l’industrie, pas dans la recherche, il faut s’en souvenir ! La nouvelle nouvelle réforme du bac paraît donc délirante avec des cursus qui oublient les fondamentaux et cette interdépendance. Comment en est-on arrivé là alors que le corps enseignant et les parents y semblent opposés ? Par une logique plus économique et dogmatique que qualitative ?

J’ai vu, année après année, l’enseignement de la science devenir comme peau de chagrin et cela à travers des petits exercices que je n’ose même pas proposer aux apprentis, stagiaires. Je n’ai à peine vu les stagiaires troisième cette année et c’est bien dommage car j’aurais eu mon propre indicateur en leur montrant des applications concrètes des choses bizarres qu’ils apprennent. Parce qu’il faut bien avouer que lorsque j’ai appris les intégrales, les matrices, les dérivées, je ne voyais pas forcément ce que j’allais en faire plus tard. Maintenant si ! Aujourd’hui on parle beaucoup de programmation et j’ai un apprenti ingénieur qui est une vraie quiche. Nous nous demandons vraiment comment il a pu entrer dans un tel cursus avec aussi peu de connaissances et ça se double d’un manque de motivation flagrante (on ne sait pas quoi lui donner à faire). Pourtant j’ai montré des pistes et à son niveau il devrait chercher des solutions par lui même, proposer au moins mais ça s’arrête très vite, comme tous les derniers apprentis bac +2 que j’ai eu depuis 3 ou 4 ans. Ce qui était épisodique devient la norme et c’est très inquiétant. Par contre pour chercher des conneries sur le bon coin, sur youtube, là il y a du monde…. pas tant que ça car ça reste dans des territoires bien bordés aussi.

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A un moment, je me dis que je deviens un vieux con, que c’est peut-être moi qui ne vois pas qu’il faut faire autrement. Faire autrement, justement, c’est mon métier, quand il faut trouver des solutions techniques pour répondre à des normes écrites très loin, à Bruxelles, New-York, Genève, Sydney ou Pekin. Avant, nous avions des société qui savaient encore répondre techniquement, et il reste des gens de grande qualité dans des laboratoires comme le LNE pour redéfinir des grandeurs physiques étalon, etc….Sauf qu’entre nous et eux, il n’y a parfois plus rien, parce que la concentration industrielle a eu raison des PME, des savoir-faire qu’elles portaient. La logique financière a sabré dans tout ce qui n’était pas rentable, comme dans l’hôpital aujourd’hui, mais qui était pourtant utile à l’industrie, petite ou grande, à la recherche. Alors avec quasi rien, façon MacGyver, nous recréons des solutions techniques. Il y a aussi quelques petites perles qui aiment chercher des solutions, amener un savoir acquis par eux-même en dehors des cours, des passionnés. Hasard, celui dont je parle vient d’une très lointaine île de l’océan indien, dont le président Macron aime se moquer aussi… Je ne vous raconte pas la galère qu’il a malgré un CDI, un bon salaire, pour se loger, par contre. Je ferme la parenthèse. Faire autrement, c’est détourner plein d’objets existant de leur but premier, de remplacer des calculateurs par des petites cartes programmables bien standard, de prendre un conditionnement d’un système A pour le faire fonctionner avec un capteur d’un système B pour vérifier un système C, de démultiplier les possibilités d’une alimentation en courant par une adaptation adéquat et tout ça en sécurité, évidemment, et dans une logique de production et de rentabilité.

Ce qui est épuisant, face à cela, c’est de rencontrer des barrières, des avis comme “mais on a le droit de faire ça?”. Oui, on a le droit d’apprendre, de créer et heureusement. Il faut juste se rendre compte des attendus de toutes les normes, contrôles, audits et discuter avec ceux qui donneront leur avis. Moi qui me croyait à compliquer les choses simples quand j’étais plus jeune, je me surprends à faire simple aujourd’hui. Maintenant, il faut que j’entraîne d’autres personnes dans cette dynamique car tout se transforme en ce moment sans que l’on s’en rendre compte. Je parlais de l’automobile électrique, des matériels de mesure que l’on configure par des micro-serveurs et de l’intelligence artificielle ou du machine learning pour faciliter les choses. Ce sont des logiques à changer. J’ai des sujets encore non aboutis où j’essaie de trouver des logiques par apprentissage pour que ça soit le plus rapide possible pour l’utilisateur. Mais je me heurte aussi à des systèmes fermés où l’on ne connaît pas les calculs qui sont faits derrière. J’ai découvert récemment la notion de SEE, Standard error of the estimate, un terme que l’on rencontre souvent dans des normes US mais pas utilisé chez nous. En réalité, nous l’utilisons sous une autre forme dans des vérifications de régression linéaire…Bref, il faut vérifier que ce calcul se fait bien par un matériel mais je ne trouve pas le même résultat en le faisant moi même. Je suis donc entre l’auditeur qui va me dire de jeter ce matériel et de faire autrement, et le constructeur qui va refuser de me donner sa formule de calcul. Je dis ça parce que je connais comment fonctionnent les auditeurs mais côté utilisateur, c’est une confiance aveugle dans ce que donne le matériel. Oui, on a le droit de se poser ces questions et d’y répondre une fois pour toute par écrit, même si ça peut paraître une évidence.

Aujourd’hui, la proposition de promotionner le logiciel libre dans l’enseignement est encore tombée à l’eau. La logique propriétaire s’impose mais elle nous fait aller vers un mur. On va vers une non compréhension de ce que l’on utilise pour aller au plus simple, au plus rentable immédiatement. Dans mon problème du paragraphe précédent, si j’avais un système ouvert, je saurais aller voir dans le code ce qui est fait et je pourrais le démontrer simplement sans tout refaire en parallèle sur un échantillon d’exemples. J’ai à faire ça sur quasiment tous les systèmes fermés que j’ai utiliser et mes collègues qui développent des nouvelles installations ont aussi ce souci de comparer et comprendre. Nous passons sans doute pour des chieurs mais justement, nous voulons laisser des informations à ceux qui passeront derrière nous, pour ne pas qu’ils galèrent comme nous. C’est ce véritable changement à inculquer aujourd’hui. C’est vrai que j’ai l’impression de faire partie d’une bande d’hurluberlus quarantenaires aujourd’hui qui embarque quelques marginaux de 20 ou 30 ans face à un troupeau bien servile.

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Se posent des questions de pérennisation et traçabilité de tout ce savoir. J’ai connu des époques où toutes les archives techniques ont été jetées et maintenant, 10 ans plus tard, on recherche les données. Même en numérique, ça prend de la place aujourd’hui. Il faut apprendre à classer, à chercher, savoir perdre du temps au début pour en gagner à la fin. Ce n’est pas vraiment dans l’air du temps aujourd’hui où tout le monde se replie sur soi, conserve tout pour lui en croyant se valoriser. Je n’ai pas compter encore tous les documents que j’ai écrits, ceux qui mériteraient des précisions mais ça devrait me prendre encore du temps. Je dois embarquer justement mes collègues dans cette activité enrichissante car ce n’est pas quelque chose à faire seul dans son coin. Il faut faire, faire faire et refaire, demander une restitution de ce qui a été appris, montrer à l’autre qu’il peut lui aussi faire faire en apprenant aussi de l’autre, etc… Au delà de la technique, c’est enrichissant de voir comment l’autre réagit, apprend différemment de nous, lis différemment aussi.

Je m’étonne parfois ici que des commentaires se focalisent sur une information d’un article. J’aurais pensé interpeler sur autre chose mais c’est raté… ou réussi parce que justement je n’avais pas vu cette manière de voir. J’enfonce une porte ouverte, mais on a tant à apprendre des autres, même ceux que l’on juge trop vite “inférieurs”. Alors si je peux apprendre à mieux ranger, à mieux manger, à mieux agir, si je dois simplement changer, pourquoi pas ? Cela n’a rien d’évident ni ne définitif et rien ne dit que je conserverai les logiques que j’ai citées pour mes sauvegardes avec mon NAS aujourd’hui, tout comme tout le reste dans l’article. Cette semaine il a fait très chaud, anormalement chaud, ce qui ne me réjouit pas. Cela est signe aussi de changements à venir que nous n’envisageons pas dans nos modes de vie. … alors oui, allons travailler en tongue de sécurité, en t-shirt et short en kevlar microfibre, ha, ha !

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Ecrit le : 02/03/2019
Categorie : reflexion
Tags : enseignement,industrie,logiciellibre,nas,Réflexion,science,synology

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