Littérature - Futu.re de Dmitry Glukhovsky (2015)

J’ai vu cet ouvrage conseillé par beaucoup de mes contacts ces derniers temps. J’étais passé un peu à côté de la série Metro 203x du même auteur, plus à cause du style que du contenu. Mais cette fois, je suis allé au bout. Une dystopie qui se mérite…

Glukhovsky, en bon auteur russe, aime les livres plutôt long et détaillé. Il aime surtout construire des univers cohérents dans un futur plus ou moins lointain. Il aime les dystopies, voyant le futur d’une manière plutôt pessimiste. Si Métro 2033 explorait un monde post-apocalyptique, ici, c’est un monde chaotique autour du thème de la surpopulation.

« L’action de FUTU.RE se déroule dans un avenir lointain où l’humanité a su manipuler son génome pour stopper le processus de vieillissement et jouir d’une forme d’immortalité. L’Europe, devenue une gigapole hérissée de gratte-ciel où s’entasse une population qui avoisine le trillion de personnes, fait figure d’utopie car la vie y est sacrée et la politique de contrôle démographique raisonnée. La loi du Choix prône que tout couple qui souhaite procréer doit déclarer la grossesse à l’État et désigner le parent qui recevra l’injection d’un accélérateur métabolique destiné à provoquer son décès à plus ou moins brève échéance. Une mort pour une vie, c’est le prix de l’État providence européen. La Phalange, entité paramilitaire à l’existence et aux méthodes controversées, veille au strict respect de la loi. Matricule 717, le protagoniste principal du roman, est un homme du rang. Mais sa vie miteuse va basculer le jour où un sénateur lui propose d’éliminer en sous-main un activiste de l’opposition. »

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Dans ce monde d’apparence grandiose, la vie est effectivement peu réjouissante, faite d’enfermement, de drogues pour rêver, de foule étouffante, … Le lecteur étouffe d’abord devant la somme de descriptions, la lenteur apparente du récit. Et puis il y a ce héros, Jan alias matricule 717. Un héros tout ce qu’il y a d’antipathique. Enfant enlevé à sa mère, il a été élevé dans un orphelinat et formé pour être une brute, un « immortel », ceux qui font la basse besogne, font les injections et enlève les enfants illégaux.Cette enfance le hante et vient alterner les autres chapitres. Cela rend encore plus la lecture morcelée. On voit la rivalité avec un autre immortel qui le persécutait dans son enfance. Il y a aussi ces interrogations sur sa mère, son père dont il n’a aucun souvenir. Et la brute devient un jour agneau lorsqu’il rencontre Annelie.

Toute ces ces histoires s’entrechoquent dans un récit qui ne ménage pas son lecteur. C’est parfois confus avec des digressions nombreuses, des hésitations, des réflexions du héros. Chassez pourtant le naturel, il revient au galop. Raciste, Misogyne, et même violeur, il n’a vraiment rien qui permette de s’identifier. Il n’y a pas non plus de « monsieur tout le monde » ou de madame lambda. Le peuple servile est une entité bien divisée entre une caste de riches et le reste, la masse qu’on suppose laborieuse mais qui cherche des expédiants dans les drogues. Le reste est robotisé, automatisé, jusqu’au plus infâme. De là à y voir quelques parallèles avec Soleil Vert.

Le récit ouvre beaucoup de portes à des réflexions. Je m’interroge déjà sur l’idéologie ou les idéologies de l’auteur, vis à vis de l’état, de la religion… des religions. Le Catholicisme y tient une place non négligeable ici. Il y a aussi le thème de l’immigration qui vient curieusement prendre place dans une Barcelone devenue cloaque. C’est à la fois troublant et fascinant, un trouble qui frise la nausée parfois. Quand on dit que le livre est trash, il l’est par bien des côté. C’est, à sa manière, une récit post-apocalyptique, même si on se demande quand se situe la vraie apocalypse. De cette vision grandiose, de cet univers riche, il ressort une sorte de quête de vérité qui maintient aussi le lecteur dans son intérêt. Voilà donc un livre qui intrigue, interroge plutôt que de simplement distraire. Je ne regrette pas d’avoir pris du temps pour le lire. Vous voilà prévenu. Glukhovsky serait une sorte d’anti « Dick », même si leurs univers ont en commun. Là où Dick saute des étapes, Glukhovsky s’y arrête longuement. Ce qui m’a dérangé, finalement, c’est de ne pas avoir assez de place pour mon propre imaginaire de lecteur.


Ecrit le : 08/12/2020
Categorie : litterature
Tags : 2010s,anticipation,dystopie,littérature,sciencefiction

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