BD - Les grands Espaces de Catherine Meurisse (2018)

Comment ? Aucun Catherine Meurisse chroniqué ici ? Et bien qu’à cela ne tienne, ça sera son “Autobiographie” alors.

La dessinatrice nous emmène en effet dans sa propre enfance, du moment où ses parents ont décidés de s’installer “à la campagne” jusqu’à nos jours quand sa vocation de dessinatrices de BD s’est faite. Il faut dire que son père est ingénieur des forêts et connaît un peu le sujet des … grands espaces, c’est à dire l’aménagement du territoire, ce que l’on fait à la nature pour cohabiter, pardon, habiter dessus. N’espérez pas voir quelque chose sur sa vie de dessinatrice de presse, sur sa période Charlie Hebdo, ce n’est pas le propos. Mais cet ouvrage arrive justement après ce choc.

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La dessinatrice se caricature donc en une petite fille au grand pif et aux cheveux raides comme elle aime à se décrire. Elle trouve des camarades de classe pour se décrire de manière plus vacharde. Mais elle ne parle pas tant que ça de sa vie scolaire mais plus de sa vie d’enfant avec sa sœur dans ce grand jardin que leurs parents créent pour combler ce grand espace. Née en 1980, elle parle beaucoup de cette période 80-95 forcément et ça me parle forcément.

Ici nous sommes dans la région Poitou-charente celle de René Monory mais aussi de Ségolène Royal. Ils apparaissent justement ainsi qu’un certain Philippe De Villiers. Mais à part ces guest-stars, les vraies stars sont les arbres, les champs, les fleurs, les pierres … ou le nain de jardin. Ils sont ceux qui écoutent beaucoup la petite Catherine. Ils sont ceux qui seront parmi les premiers à être des modèles pour la petite fille, pour l’adolescente ensuite. Il y a aussi Pierre Loti et Marcel Proust, inspirateurs des parents comme des enfants. Leurs écrits nourissent les imaginaires de l’enfance.

Mais on parle de cette Campagne des années 80 en mutation avec un remembrement qui se termine en un grand massacre du vivant. On montre les villages qui essaient de devenir des attractions permanentes comme les villes alors que l’attraction du lieu ne devrait pas être dans ses festivals factices. La relation avec le vivant qui entoure les villages disparaît dans cette période , à coup de monoculture, d’intensification. Le père de Catherine comprend bien l’impasse mais ne peut que préserver l’essentiel dans ce beau jardin qu’il conçoit. L’impatience de l’enfant Catherine à voir grandir les jeunes arbres ne fera rien changer et elle se remémore avec nostalgie l’évolution de son grand espace.

J’ai été touché par ce récit car j’y ai retrouvé aussi de ma propre enfance. Il y avait ces séjours à la campagne que j’ai vu évoluer… dans le mauvais sens. Il y avait aussi cette même découverte de la nature, de la ferme, les récits de mon père, les promenades dans ces champs, ces bois et bosquets. Et puis il y avait cette solitude apparente de l’enfance, celle où l’on préfère justement la nature, l’imaginaire à des jeux avec d’autres qui apportent finalement plus de conflits. Il y a une scène avec les noix…voilà ! Ca ne parlera sans doute pas à tout le monde. Tout comme ce rapport à la poésie, à la peinture…

J’imagine que cet ouvrage répondait déjà à un besoin de l’auteur de parler de cela à ce moment mais il y a des sujets terriblement d’actualité lorsque aujourd’hui on parle de la fin de la ruralité, des problèmes de l’agriculture, de la cohabitation avec le vivant. Nous ne faisons finalement que payer les erreurs d’avant, de ne pas avoir vu l’importance de nos … grands espaces.

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Ecrit le : 25/02/2020
Categorie : bd
Tags : 2010s,agriculture,autobiographie,bd,enfance,nature

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