Littérature - Vi de Kim Thúy (2016)

Ce livre est très similaire à un précédent ouvrage de l’écrivaine québécoise d’origine vietnamienne, Ru, déjà chroniqué ici. Enfin je le croyais avant d’en saisir toute la force.

Si Ru parlait du déracinement d’une génération de boat-people partis du Vietnam pour le Canada, Vi parle plus spécifiquement des femmes vietnamiennes. Il y a évidemment l’histoire de Vi, enfant vietnamienne d’une famille aisée du sud qui se retrouve disloquée par la guerre. Vi qui devient femme dans ce Québec et ce monde des années 80-90 où le mur de Berlin chute. Vi qui redécouvre son propre pays ensuite. Mais il y a aussi Hà et d’autres femmes vietnamiennes, il y a sa mère, il y a ses amours. Cela construit peu à peu un récit par anecdotes et souvenirs dont on se doute qu’ils sont pris d’histoires bien réelles.

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Aussi court que le précédent ouvrage (150 pages), l’ouvrage n’en est pas moins intense. Il y a cette fuite du Vietnam post-réunification avec sa police politique, ses camps de rééducation. Il y a la traversée vers la Malaisie, les attaques de pirates, les viols et exécutions. Il y a les camps de réfugiés puis l’arrivée au Canada. Mais au lieu de parler de l’installation dans le pays, Kim Thúy s’intéresse plus à cette jeune fille qui cherche des modèles et ne les trouvent pas dans une mère devenue veuve, ni chez ses frères qui tentent de remplacer le chef de famille. Elle grandit, se cherche sa propre voie plutôt que celle tracée par sa famille, s’éloigne de la “communauté” et ses traditions. Elle découvre l’amour au mépris des convenances de l’époque chez les vietnamiens.

Et puis elle découvre un pays qu’elle a perdu de vue 20 ans plus tôt, elle découvre le nord qui s’ouvre au capitalisme, elle fille du sud, se fait ses propres expériences, assume ses échecs. Le livre répond en cela à des témoignages que j’ai entendu de ceux qui sont revenus au Vietnam à la “réouverture” du pays, chez des femmes qui ont grandi dans la diaspora du sud à l’occident et s’étonnent aussi maintenant du développement rapide du pays. On y retrouve le style de l’auteure, direct, sensible mais mesuré. On ressent cette perte de repères, l’occidentalisation forcée par l’exil et le poids de la famille par rapport à sa vie de jeune fille.

On peut alors se poser la question du choix entre ces deux livres au début très similaire mais qui se complètent très bien. On parle plus de l’avant exil ici, autant que de la femme vietnamienne tandis que Ru parlait de la dureté du voyage. Pas de choix possible, il faut lire les deux, bien sûr!


Ecrit le : 06/02/2020
Categorie : litterature
Tags : 2010s,féminisme,guerre,littérature,LittératureetBD,migration,vietnam

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