Blog - La vie continue

Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait un vrai billet de blog, c’est à dire qui ressemble à un journal, pour parler de moi. Oh, je n’ai rien de très passionnant dans ma vie, ou alors ça tient au secret professionnel (bon, ça c’est aussi pour faire croire que c’est passionnant, mais ça me plaît). Mais tout de même, ça mérite un billet.

J’ai appelé ça “La vie continue” parce que l’année dernière fut l’année des décès et apparemment pas que pour moi. Pourtant, la tristesse, ça va, ça vient, ça repart et on continue. Heureusement, parfois il y a le travail qui aide parce que l’on pense à autre chose. Mais pour les personnes seules, à la retraite, c’est plus dur. Je bénis parfois le télétravail imposé qui me permet finalement d’être plus présent car cela aurait été terrible sinon. L’hiver est passé, même si je ne sais plus trop quel saison se déroule sous mes yeux. Le jardin gelait encore en fin Avril, pour rendre la pelouse dans des tons vert de gris, laisser encore la mousse proliférer. Les oiseaux bravent le froid, espère trouver à manger avec le printemps. J’ai retrouvé mon couple de pigeons qui avait migré plus au chaud. Bref, ça ressemble aux autres années, au moins.

Pour le boulot, c’est aussi l’année d’après les gros objectifs. Je me les fixe presque moi même maintenant mais je sens que la motivation baisse un peu partout chez mes collègues. Il faut garder le cap… Hum, c’est la dèche. Il faut économiser sur tout et en même temps faire mieux avec ce moins. Forcément, avec le COVID, plus assez de rentrées d’argent pour les grosses et petites entreprises dans pas mal de secteurs. Pour faire passer la pilule, on a eu la grosse prime/intéressement mais j’ai l’impression que nous sommes l’équipage survivant d’un navire en perdition. On a laissé partir du monde, mais on tente quand même de passer les icebergs avec des gens en moins au machine, un type un peu expérimenté au gouvernail pour y croire. En plus, le navire a grossi sacrément avec un équipage de toutes les nationalités, cette fois. Donc pour la communication, c’est pas trop gagné. Vous avez vu le niveau des français en anglais ?!. Les réunions en anglais avec des collègues sont deux à trois fois plus lentes. Et on partait déjà sur des longueurs qui m’énervent. On sait qu’il va y avoir encore des “canots de ce paquebot, laissés en mer”. Pas en France avant 2022, évidemment, mais après…

Bref, il y a l’angoisse du lendemain qui plane chez beaucoup, en plus de celle du virus. Mon boulot, c’est aussi de penser à se débarrasser du passé et construire l’avenir tout en sachant qu’on aura encore 10 à 20% de budget de moins par an. Problème de math, au bout de combien d’années est-ce que tu viendras payer pour travailler ? Il faut récupérer, recycler, transformer, être malin et j’imagine la tronche des collègues allemands qui étaient habitués “au luxe” américain (un indice d’où je travaille est dans cette phrase) s’il voyaient avec quoi on arrive à ces résultats. Le laboratoire que j’ai monté a fêté sa première année mais en vivra-t-il encore 4 ou 5 ? J’en doute quand je sais qu’il y aura des départs dans l’effectif. Et pourtant je sais qu’une ou deux personnes organisées et motivées pourraient faire tourner le truc. Il y a encore de la marge, mais pour la grignoter, ce n’est certainement pas sans attaquer le bien être au travail. Un collègue du service est parti cette année parce qu’il en avait marre de son chef (pas le mien…c’est compliqué d’être en transversal), surtout, mais j’ai apprécié qu’il m’appelle pour me remercier des quelques années passées ensemble. Je me souviens d’un moment de friction où il m’avait un peu pris pour un con et où je l’avais laissé un peu dans sa merde, mais aussi des moments plus constructifs où j’ai pris le temps de lui apprendre des choses, où j’en ai appris aussi, ne serait-ce qu’humainement. Moins d’angoisse au moins pour lui en venant au travail, maintenant.

Sans faire un vrai billet COVID, il faut quand même parler du fait que depuis plus d’un an, c’est non-stop avec le masque et le gel durant les horaires de travail sur site. Les repas se prennent à une table tout seul dans un hangar qui servait de salle d’exposition. L’ambiance est presque carcérale parfois et encore je ne suis que rarement sur site, moi, le chanceux. Tout ça n’aide pas à garder le moral, la bonne humeur, surtout quand on a du mal à aligner tout le monde sur le même objectif. Les rats n’ont pas tous quitté le navire (désolé pour l’image, les rats valent mieux que ça), diraient les mauvaises langues. J’ai parfois cessé d’être gentil pour recadrer avec ma hiérarchie. En espérant que ça marche… Ca a l’air, même si je me méfie des petites vengeances. Le paradoxe est d’avoir des gens qui se plaignent d’avoir trop de travail, mais se plaignent aussi si on leur dit qu’il va falloir en faire moins sur un poste, si on veut faire de nouvelles choses intéressantes. Conduire le changement est un sacerdoce, surtout dans une entreprise qui a souvent cultivé le conservatisme.

J’ai aussi à le conduire dans des groupes de travail avec des objectifs et des personnalités antagonistes. Cela partait plutôt mal et je dois dire que j’étais un peu trop optimiste dans la mise en place de ce que je voulais. Un an de travail remis en cause mais j’arrive par petites retouches et petits pas à faire converger les choses. Le problème est que si je savais gérer et animer des réunions dans la vie réelle, maintenant je dois le faire de chez moi en Teams. Sachant qu’il y a jusqu’à 9 intervenants, je dois parvenir à attirer l’adhésion, faire participer tout le monde et gérer les fortes personnalités face à ceux qui sont plus passifs. J’ai trouvé, je pense, la bonne recette mais c’est usant quand même sur une seule heure de temps. Ça en vaut bien 3 ou 4. J’imagine à ce moment là les cours en ligne dans l’éducation nationale s’il faut arriver à faire participer des élèves un peu moins disciplinés (quoi que ??) en quasi aveugle. Car là c’est uniquement en audio avec ma présentation et la bascule entre 3 documents. Encore heureux, c’est en français. J’ai déjà donné pour le faire en anglais en devant traduire parfois ce que je disais en anglais à mes collègues. Ca va être marrant avec les accents italiens, allemands, américains un jour…et la mise en concurrence de tout cela (deuxième indice…)

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Saint Pierre en Prison - Rembrandt 1631

Des fusions, j’en ai vécu mais au niveau de services, jamais d’entreprises. Alors quand tu t’en prends deux en 5 ans, ça fait bizarre, surtout avec la marche forcée vers une transition énergétique pas très maîtrisée. Je parle surtout des gouvernements et politiques qui ne voient pas encore les multiples impacts de tout cela. l’environnement s’en portera-t-il mieux ? Je n’en suis vraiment pas sûr quand on ne travaille pas sur le besoin de se déplacer, sur l’aménagement du territoire. L’utilisation du vélo explose, on rembourse une partie des nouveaux vélo-cargos mais honnêtement, je ne me vois pas faire ça toute l’année aujourd’hui avec des piste-cyclables ressemblant parfois à un parcours du combattant ou un champ de patates, le problème du vol de vélo ou de la capacité à le garer dans les magasins, etc. Mais ça viendra… Et l’humain ? Il perd encore du boulot sans que cela soit remplacé, cette fois. La vieille excuse de toute industrie en mutation, évidemment. Mais les conséquences se voient, se vivent sans que l’on voit émerger le remplacement au même endroit. On parle peu de la chimie autour des batteries mais ce n’est pas sans conséquences, sur l’environnement, l’exploitation minière, les transports, …. La vraie révolution vécue, c’est finalement de pouvoir travailler de chez soi, d’organiser sa vie autrement, de trouver un rythme plus adaptable, modulable. Avec cela, la voiture sors moins, on va juste à côté pour le besoin rapide et immédiat. Sauf que plus rien n’existe à coté et que l’on fait livrer…Lorsque je passe dans la zone commerciale du coin, j’ai l’impression de voir des dinosaures qui vont mourir en regardant ces grandes enseignes éteintes (ou allumées la nuit pour rien), les parkings vides. Et dès que le confinement disparaît, c’est pour voir les mêmes enseignes bien standardisées de fringues prendre la place de petites boutiques spécialisées.

Mes derniers besoins, je ne les aurait pas trouvé dans un rayon de 30km, même en y mettant le prix. A quoi bon faire des kilomètres et passer des heures carrées pour prendre finalement une merde fabriquée à des milliers de kilomètres quand on peut parfois acheter de chez soi un truc fabriqué plus près ? Ce monde me dépasse pour cela avec cette impression factice de garder du “pouvoir d’achat” puisque l’on peut acheter encore le truc qui remplace ce qui vient de tomber en panne ou s’user. Mes congénères m’exaspèrent à réclamer d’aller acheter des futilités, à changer de fringue et revendre les anciennes sans arrêt, ou les donner, à changer pour … changer. J’ai l’impression qu’il y a un clivage dans la société entre ceux qui continuent cette fuite en avant, et ceux qui se remettent en cause. C’est assez criant sur les téléphones entre ceux qui valent un SMIC que l’on aime changer sans arrêt et ceux d’entrée de gamme qui suffisent à beaucoup et se gardent au moins 4 ou 5 ans pour les meilleurs. Je n’arrête pas de pester contre mes propres excès qui subsistent. La vie continue, mais la notre a-t-elle le sens qu’elle avait avant ? Avant quoi d’ailleurs ?

Je n’ai même pas eu le temps de me débarrasser du superflu, l’année dernière. Il y a ces souvenirs, ces cadres qui me regardent maintenant. Et à nouveau ces petites piles du quotidien qui s’amoncellent jusqu’à ce que j’en ai marre et que je fasse table rase. Je reste toujours pris à la gorge par la santé des autres, finalement, qui rythme toujours les semaines, tout en essayant de préserver la mienne, car là aussi les années se font plus sentir qu’avant. La sédentarité aussi qui se voit dans les analyses. Même si j’en faisais un minimum, j’ai laissé un peu trop filer la santé et il va falloir se reprendre sérieusement. Pourtant, il y a des moments où je me dis que je pense trop à moi, parfois l’inverse. Cela ne pèse pas dans l’énergie que je mets pour tout ce que j’entreprends. L’adrénaline fait des miracles souvent. Mais c’est dans les moments calmes qu’on le paye alors. Alors je m’organise pour que les moments calmes soient vraiment des moments de récupération. Là aussi, pas le droit à l’erreur. Et c’est là que la complémentarité d’un couple fonctionne, avec la compréhension mutuelle. Si on perd ça, c’est foutu.

Toute la famille de plus de 65 ans est vaccinée maintenant. Non sans quelques douleurs et effets secondaires typiques des vaccins. Maintenant ça va être à madame, à moi de trouver et le créneau et le bon vaccin pour nos cas tordus. J’en ai parlé avec le médecin…Bof, on n’en sait pas plus. Bénéfice-risque, etc… On a beau se dire que c’est 0,01%, personne n’a envie d’être ce pourcentage là. Tout ça pour que la vie continue. J’ai effectivement hâte de retrouver le calme d’une plage déserte le matin, d’entendre les vagues, les mouettes. Hâte aussi de voir des films dans une grande salle à moitié vide parce que personne n’a les même goûts que nous, préférant s’entasser pour voir des super-héros dans un énième reboot. Hâte aussi de découvrir d’autres gastronomies parce que tenter des recettes chez soi sans vraiment savoir quel doit-être le goût final, c’est compliqué. Des petits luxes tout de même. La vie continuera, avec ou sans nous. La vie continue pour nos compagnons à quatre pattes, comme le squatteur du jardin qui boitait bas pendant 3 semaines mais semble remis. La vie continue pour nos pigeons qui s’obstinent à vouloir nicher dans la façade de la maison et qui ont invité des amis cette année. La vie continue pour les arbres du jardin qui ont repris des couleurs, du volume, jusqu’à nous procurer de l’ombre puis de s’endormir sur un tapis de feuilles mortes.

La vie continue et le blog continue entre ses billets habituels, mes marronniers à moi, les choses inattendues, la reprise des activités culturelles, les petits plaisirs secrets, l’actualité, les tendances. La vie continue et je suis un petit grain de sable dans le grand sablier du monde.

Allez, un peu de fusion, justement : Rage against the Machine - Take the power back (live) video


Ecrit le : 08/05/2021
Categorie : reflexion
Tags : essai

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