Législatives 2022 - Journal d'un militant, vol.3

Troisième semaine de militantisme dans cette campagne des législatives. Le groupe d’action attendait la nomination des candidats et ça a du mal à décoller, malgré les inscrits…

Après le dernier billet, nous sommes retournés tracter sur ce marché plutôt hostile. La figure de Mélenchon fait peur. On a retenu “la République c’est moi”, c’est sûr, mais pas le reste. Il est compliqué de faire comprendre les retraites, la décote, les annuités, etc. Mais j’ai rencontré des personnes étonnantes. D’abord un monsieur qui parle du reniement de la gauche par rapport aux religions. Traduire : C’est un ultra-laïc qui n’admet pas qu’une candidate d’un parti porte un voile. Soit mais je lui ai rappelé tout de même la loi de 1905 qui a ses limites, notamment sur le vêtement. L’homme se mit à me parler de “ma construction intellectuelle déficiente”. L’insulte reste la réponse du faible. J’aurais pu lui rappeler aussi la présence de personnalités politiques de son bord dans des dîners annuels d’organisations religieuses mais le dialogue n’était guère possible avec ce personnage qui se croyait visiblement de gauche. Une gauche qui n’est pas la mienne, bien que je sois foncièrement athée ou à la limite agnostique. Quelques extraits de cette loi de 1905 :

Il est effarant de voir l’importance de la religion dans les échanges. Souvent je dois en parler quand je rencontre des personnes, des musulmans, des chrétiens, pour la majorité, en parlant en bien ou en mal. J’ai par le passé eu un collègue rabbin avec qui j’avais de fructueux échanges sur les différentes composantes des religions. J’ai eu d’autres collègues qui n’étaient que simples pratiquants et les discussions étaient toujours calmes. Chacun aspire finalement à pratiquer son culte comme il l’entend, à ne pas se faire agresser par d’autres personnes. C’est exactement la fameuse loi de 1905 que les ultra-laïcard s’emploient à saper en jetant de l’huile sur le feu, surtout d’un même coté. On nous a même refait le coup du Burkini alors que c’était juste remettre des règlements dans l’esprit de 1905, soit la tolérance des cultes de chacun, des habitudes de chacun. Très vêtu ou peu vêtu, c’est chacun qui apprend à accepter l’autre…ou ne vient pas. Dans les échanges, personne n’a été véritablement insultant. Ce sont des peurs, et notamment une dame qui a peur des Burqas. Là je dois dire que je connais beaucoup de musulmans qui râlent contre ce vêtement tribal qui n’a rien à voir avec la religion. Beaucoup d’ignorance et de manque de dialogue au fond. Juste que le travail de pacification est colossal. C’est une spécificité française et on passe vite 15-20 minutes avec quelqu’un sur un tel sujet, à rassurer, à expliquer encore et toujours. Patriarcat, émancipation, prosélytisme de certains, il y a beaucoup à voir autour de ça. La rumeur d’islamo-gauchisme assené par l’extrême droite et quelques ministres a des effets délétères. Elle est maintenant renforcée par les basses attaques du nouveau président élu. Par contre, on n’empêchera pas les clientélismes de tous bords autour du religieux.

Mais dans ce tractage, nous avons aussi rencontré des militants du Rassemblement national. Dont une qui pourrait en choquer certain (un monsieur l’a d’ailleurs insulté…il votait à gauche ) : Une femme noire au RN ! Il n’y avait pas d’agressivité chez ces deux dames présentes et encore moins chez cette dame là. Nous avons discuté car il faut savoir écouter les arguments qui mènent à ce vote. Ici, c’était un anti-macronisme puissant notamment pour le sort qu’il a réservé dans son quinquennat … aux migrants. C’était aussi une demande de laïcité qui curieusement a trouvé dans le RN une réponse, de son point de vue. Ses enfants votent Mélenchon, son mari Pécresse, ok. Mais elle aurait voté aussi Mélenchon si le deuxième tour avait été autre. Peut-être aurait-il fallu lui rappeler des déclarations de sa candidate mais je comprends le fond de sa pensée qui l’a amené sur ce chemin. Là aussi c’est une fâchée par facho. Ce n’était pas le cas de quelques passants ouvertement anti-mélenchon et affichant leur extrême droite avec fierté et racisme. Une matinée houleuse donc dans ce marché plutôt haut de gamme qui vise une classe bourgeoise. La lutte des classes, on la vit.

La semaine commence aussi par une rencontre avec des figures du PS local. On ne les voit pas, on ne les entend quasiment jamais puisqu’il n’y en a qu’un au conseil municipal. C’est une première pour moi. Oh, j’ai vu pire quand je dois négocier des documents et procédures entre des services qui ne fonctionnent pas pareil, avec des chefs très emblématiques. Je n’aime pourtant pas ces palabres et ces choses trop formelles. Je suis dans l’action, dans la réactivité. La circonscription étant promise au PS, on doit forcément composer avec. Et le problème est que l’accord est toujours discuté par un certain Hollande qui n’admet pas qu’on lui supprime son jouet. Le quinquennat Hollande (dont je prophétisais la catastrophe dès la veille des primaires de gauche) est un motif de crispation qu’il faut oublier. Sauf que le PS n’a décidément pas tourné la page dans son ensemble et continuera ainsi de s’enfoncer avec ce type de vieux réflexes. Étant très hiérarchisé, se lancer dans une campagne pour ce parti est bien trop lent par rapport à l’urgence. Je l’avoue, j’ai du mal avec cette façon de faire et ce fut plus des politesses que des décisions avec la future candidate. Il faut faire avec…Une fois que la machine sera lancé, ça ira mieux.

L’autre problème de fond et qui s’est rencontré dans d’autres circonscriptions, c’est d’avoir un ou une candidate qui admette à la fois l’accord mais représente les idées d’un programme toujours non construit dans sa totalité. Si déjà les idées fondatrices (Retraite, Smic, revenu étudiant, 6ème république…) ne sont pas admises, ça part mal. D’autre part, j’entends du grand n’importe quoi sur l’Europe de la part des concurrents comme des anciens de l’aile droite du PS. La France ne respecte déjà pas les traités pour le Budget, pour le Climat, pour la Pêche, pour l’Agriculture et ça passe crème. Le parlement vient de demander à retravailler ces traités, enfin…Donc ça devrait démontrer la nécessité à “désobéir” sinon déroger pour montrer qu’une autre voie est possible. Et surtout, les éléphants du PS sortis de leur retraite ont la mémoire courte, à moins que…Et bien non, on a cette curieuse unanimité de la critique dans la presse et l’opposition de droite qui démontre bien l’emprise du capital sur la liberté de la presse (cf les éditos du Monde, du Point, par exemple). Ces derniers jours, j’ai entendu bien plus de critiques et d’insultes sur cette union de la gauche que pendant toute la campagne sur l’extrême droite qui ne servait finalement que d’épouvantail (ou d’idiot utile pour reprendre l’expression).

Là aussi, la violence médiatique est sans commune mesure avec d’autres militantismes. Je connais bien la violence physique des aficionados ou des circassiens mais on peut y ajouter le harcèlement médiatique et politique envers des victimes désignées. Il y a eu l’affaire Taha Bouhafs dont je me souvenais de quelques débordements. A la base, je ne trouvais pas que c’était une bonne idée de le présenter, sachant qu’on l’utiliserait (comme n’importe quelle faille) pour nous saborder. Mais il représente aussi un parcours, une volonté de s’en sortir, d’apprendre par soi-même. A travers lui, on a vu se déchaîner un racisme systémique. Car pour les mêmes accusations, on n’a pas vu le même déchaînement vis à vis de Yannick Jadot ou de candidats de LREM ou du parti de Zemmour (et Zemmour lui même dont des accusations identiques sortent encore). Il se trouve qu’ensuite des accusations d’agression sexuelle sont venues et ont conduit à son éviction. Que l’on aimerait voir d’aussi promptes décisions dans les autres partis dont les candidats sont accusés ou même condamnés pour les mêmes violences !

J’espère que la syndicaliste Rachel Kéké n’aura pas à subir le même sort. Il est loin le temps où des ouvriers siégeaient à l’assemblée nationale. Il est simplement loin le temps où l’assemblée représentait la France dans sa diversité…ce qui n’arriva jamais puisque les femmes y ont toujours été sous-représentées. Par ailleurs, la violence est aussi dans les moqueries vis à vis des tenues des femmes. Bien que n’étant pas du bord de Mme Bachelot, je lui reconnais cette particularité d’avoir de l’humour et de l’autodérision et d’oser mettre de la couleur dans ses tenues. Je n’irai jamais la moquer là dessus, ce serait faire trop d’honneur aux misogynes, quand par ailleurs on ne commente pas les cravates et costumes de ces messieurs. Cette campagne est sale et le sera encore plus. D’autres candidats et candidates sont accusé(e)s pour leur passé lointain et toujours venant de l’extrême droite la plus rance qui compte masquer ainsi ses propres fautes. La campagne est sale, nauséabonde comme la mauvaise foi que l’on nous renvoie parfois dans les tractages. Quand on demande des preuves, des éléments factuels, il n’y a rien. De la rumeur au mieux. Difficile alors de garder son calme.

Et puis, en ce moment, je reprends un peu l’utilisation d’Inkscape, entre autres outils informatiques. J’avais en vie de me faire moi-même les logos et bannières du Twitter de campagne. Tout n’était pas top du premier coup avec ce foutu nouveau logo Nu qui remplace le Phi. Je ne sais pas ce qu’ils ont avec les grecs, peut-être par rapport à l’Europe et la catastrophe qu’on a imposé ? Enfin bref, ça stimule la créativité aussi. On apprend aussi, comme le fait que la nouvelle affiche ne claque pas assez sur les panneaux d’affichage par rapport à tout ce qu’il y a autour. Parfois, un bon fond uni et clair c’est mieux. Alors on compose aussi avec ce qu’il y a autour sur les panneaux d’affichage. Et tous les outils du libre sont de sortie, de LibreOffice à Inkscape en passant même par Handbrake s’il le faut. Et évidemment GIMP pour compléter l’aspect graphique. Par contre, Framadate à la place de Doodle, c’est pas génial. Ergonomiquement, je trouve l’un comme l’autre à chier en mobile. On se retrouve avec la vieille méthode de contactere chacun pour trouver un créneau.

Finalement, le compte twitter reste assez peu utilisé car on tourne vite en rond ou on dépense trop d’énergie pour crier face à des meutes “capitalo-fascistes”. Comme je disais, la campagne est sale et je ne voudrais pas en ressortir plus meurtri que ça. De l’énergie, il en faut déjà pour tout le reste avec des milliers de tracts à diffuser, des dizaines d’affiches, des marches, des kilomètres à parcourir, des minutes à répéter la même chose. Il y a de l’énergie à dépenser face à la mauvaise foi des opposants. Il y a de l’énergie à dépenser pour contrer les rumeurs, les à-priori, les caricatures. La vieille figure des chars de l’armée rouge débarquant à Paris si Mitterrand est élu, a encore bon dos chez certains. Comme l’ont rappelé enfin quelques journalistes, le programme de la NUPES est bien moins radical que ne l’étaient les programmes de la gauche en 1973 ou 1980-81. A l’époque, il aurait été qualifié de centriste. Mais à qui cela parle maintenant de citer Pierre Mauroy, Pierre Mendès-France ou François Mitterrand que certains qualifieraient de bibliothécaire ou constructeur de station de métro. Le vote reste quand même assez générationnel et orienté avec les besoins immédiats de chacun.

Enfin, ce sera le dernier épisode, car ensuite on entre dans un domaine où tout ne doit pas être révélé. Peut-être un jour parlerai-je avec un peu de recul de cette expérience. Mais l’objectif était de donner envie ou de parler de ce qui se passe au début, quand on débute. Maint


Ecrit le : 28/05/2022
Categorie : reflexion
Tags : réflexion,politique,france,législatives

Commentaires : par Mastodon ou E-Mail.